France Télécom. « Des scénarios d’une violence presque guerrière » in : l’humanité

Publié le 04 mai 2011 par Moyves

BRIGITTE FONT LE BRET,MÉDECIN DU TRAVAIL, PSYCHIATRE, AUPRÈS DES SALARIÉS DE FRANCE TÉLÉCOM article publié dans l’Humanité 28/04/2011

Dans la longue liste des suicides de salariés de France Télécom, l’immolation par le feu, mardi, d’un employé de Bordeaux, revêt un sens particulier.

BRIGITTE FONT LE BRET. Le suicide par immolation par le feu est très rare. Il répond souvent à une volonté de révolte contre l’injustice, et de visibilité. La modalité du suicide, sur un parking de l’entreprise, c’est vraiment quelque chose de symbolique. Et qui s’adresse à la direction de France Télécom, pas à la famille. Sinon, il aurait choisi un lieu symbolique de sa famille. Je suis bouleversée. Avoir travaillé 31 ans dans une entreprise, et finir en poussières à 57 ans…Ce n’est pas possible qu’une solution n’ait pu être trouvée pour ce monsieur ! A 57 ans, on n’est pas très loin de l’âge légal de la retraite. J’avais signalé, en son temps, que j’avais énormément peur pour les agents venant de la fonction publique, se trouvant dans  es zones de plus de 50 ans. Avec eux, le temps de la consultation, on tient un calendrier, on dit, voilà: il reste 6 mois, on barre les jours… Mais vous vous rendez compte, quand il faut encore tenir 2 ou 3 ans?!

En 2010, des changements ont été annoncés dans le management. Que constatez-vous?

BRIGITTE FONT LE BRET. Il y a des avancées, dans la gestion des dossiers médicaux : on peut plus facilement parler avec la direction de dossiers qui nous préoccupent. Mais de plus en plus, j’ai de nouveau des personnes anxieuses, qui me disent : « On est en train de reparler de changements, de petites mobilités ». France Télécom doit vraiment montrer qu’ils vont s’attaquer au coeur du problème : la rentabilité et les profi ts. Les actionnaires en demandent toujours plus, ça, ça ne s’est pas arrêté. Que font-ils pour diminuer le rythme du travail, les objectifs qu’on impose aux salariés?
Cette immolation a fait écho chez moi : dans mes entretiens, j’ai de plus en plus de violences exprimées. Au début, c’était : « Je vais rendre des médicaments », « j’ai envie de dormir »… Maintenant : « S’il le faut, j’achèterai une arme », « avec la voiture, on peut très bien rater un virage »… Les scénarios sont d’une intensité, d’une violence presque guerrière.

entretien réalisé par YVES HOUSSON

Qui est Brigitte Font le Bret? La légitimité de sa prise de position?
Extraits du Journal de 13h de France2 le 9 avril 2010 - Question du jour : Le management d’une entreprise peut elle être rendue responsable pénalement du suicide de certains de ses salariés ?
France Telecom Orange : Pendant qu’ils comptent… par yes_men