Telle semble être en tout cas l’idée du député Pierre Morel-à-l’Huissier qui a déposé une proposition de loi en ce sens le 15 février à l’Assemblée nationale. L’idée avait cependant été précédemment lancée par Brice Hortefeux fin décembre : « L’Allemagne vient de voter une loi rendant obligatoire l’équipement des voitures en pneus neige pendant toute une période de l’année. Nous n’en sommes pas là en France, mais nous serons attentifs à toutes les bonnes solutions. Face à des phénomènes naturels et très occasionnels, il faut trouver un juste équilibre entre la prévention et la règle ».
Pour ce député, qui n’a pas perdu de temps pour se saisir du problème, le « juste équilibre » semble se situer dans le paiement d’une amende. En effet, l’article 1er de la proposition prévoit que « tout conducteur circulant à bord d’un véhicule non équipé, sur l’ensemble de ses roues, des pneumatiques exigés par les conditions météorologiques hivernales, s’expose à une amende ». Est-ce ce qu’entendait Brice Hortefeux lorsqu’il parlait de « bonne solution » ? L’article 2 précise en outre que ces « conditions hivernales » seront définies par décret : quand on se souvient des divergences entre Météo France et le gouvernement lors de la pagaille du mois de décembre, on peut craindre le pire…
Il convient tout d’abord de préciser que les fabricants ne parlent pas de pneus neige mais de pneus hiver, adaptés aux conditions difficiles rencontrées dans cette période et pas seulement la neige. De même, il n’est pas question de remettre en cause l’intérêt de tels pneus hiver qui, en cas d’épisodes neigeux, ou même dès que les températures baissent, optimisent la sécurité des automobilistes en améliorant la tenue de route ou encore les distances de freinage. Sur ce point, l’association « 40 millions d’automobilistes » est même favorable à une recommandation quant à l’usage de tels pneumatiques.
Cependant, elle considère que c’est aller trop vite en besogne que de vouloir légiférer pour imposer cet équipement sans se poser auparavant quelques questions essentielles :
Tout d’abord, celle du budget. Pour être efficaces, les pneus hiver doivent être montés sur les quatre roues. La facture risque donc d’être salée pour les automobilistes qui vont devoir faire face à un montant qui se chiffre en plusieurs centaines d’euros (pneumatiques + jantes). Alors si l’on a la chance de disposer de revenus qui permettent d’envisager sereinement cette dépense, pas de problème. Mais pour les smicards, les chômeurs ou les étudiants ? Cette mesure ne risque-t-elle pas d’avoir pour conséquence d’exclure une partie de la population du déplacement automobile ? De même, une telle mesure est-elle adaptée pour un petit véhicule de ville qui effectue un très faible kilométrage annuel ?
Ensuite, une question purement pratique. Plus des trois quarts des Français vivent dans les centres urbains et, selon la dernière étude de l’INSEE sur le sujet, 41% des Français habitent en appartement. On peut donc en conclure qu’une grande partie de la population ne dispose pas de garage. Alors, où toutes ces personnes vont-elles pouvoir stocker les pneus au moment de les interchanger ?
Enfin, quid des alternatives aux pneus hiver ? Ne pourrait-on pas proposer aux automobilistes un système tel que les « chaussettes à neiges » qui permettent de s’équiper pour passer temporairement des difficultés lorsqu’on en rencontre ? Ces chaussettes, qui doivent s’installer sur les roues motrices, recouvrent complètement les pneus et absorbent l’eau qui se glisse entre eux et la neige améliorant ainsi la tenue de route. Elles présentent en outre l’avantage de s’installer en quelques minutes et ne prennent pas de place. C’est donc une alternative intéressante aux pneus hiver dans les régions dans lesquelles les chutes de neige sont occasionnelles, alternative qui peut permettre de répondre à un besoin ponctuel pour passer un endroit difficile sans bloquer la circulation (une légère montée par exemple).
On le voit, le fait d’imposer les pneus hiver ne va pas de soi car dans notre pays les conditions climatiques et l’usage varient d’une région ou d’une route à une autre. Même si le dépôt de cette proposition de loi ne préfigure en rien son adoption, on ne peut donc que regretter l’absence de consultation préalable des différents acteurs du secteur de l’automobiliste sur cette question. On a ainsi un peu l’impression que cette proposition de loi a été déposée « à la va-vite » sans un sérieux travail de fond en amont. Ne serait-elle alors qu’un « coup » pour occuper l’espace médiatique ?
Et vous, êtes-vous favorables à ce que la loi impose les pneus neige ? Nous attendons vos réactions dans les commentaires pour en débattre !
Mise à jour : il semble que nos certaines de nos objections aient été entendues. Le député à l’origine de cette proposition a déposé hier (le 30 mars 2011), une autre proposition de loi créant une aide à l’équipement des pneus neige financée par l’État pour les ménages les plus modestes et tendant à la réduction de la prime d’assurance pour les véhicules équipés en pneus neige lorsque les conditions météorologiques l’exigent. Pour plus de détails, cliquez ici.