ZAPA. Cet acronyme est bien connu des lecteurs de ce blog. Nous vous parlions en effet il y a déjà quelques mois de ces fameuses « zones d’actions prioritaires pour l’air ». A l’époque, les contours de ce projet étaient flous et certains de ses plus fervents partisans (on pense par exemple à Denis Beaupin, surnommé le « khmer vert » de la mairie de Paris), jubilaient déjà à l’idée de pouvoir éjecter les voitures des centres-villes. Rentraient ainsi dans le viseur de ces croisés des temps modernes les vieux diesels, les 4x4 les grosses cylindrées, etc ! Heureusement, le gouvernement n’a pas cédé au chant des sirènes et le projet est finalement rentré dans de plus justes proportions, tout du moins en apparence… En effet, tout n’est pas rose dans le monde de la ZAPA, et en regardant les projets de textes de plus près, on peut y dénicher un véritable scandale passé totalement inaperçu aux yeux des médias. Explications :
Un projet louable
Innovation de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, une ZAPA peut être instituée, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, dans les communes ou groupements de communes de plus de 100 000 habitants dans lesquels une mauvaise qualité de l’air est avérée, notamment par des dépassements de normes réglementaires ou des risques de dépassements de ces normes. Le principe des ZAPA repose sur l’interdiction d’accès à ces zones aux véhicules les plus émetteurs de particules et d’oxydes d’azote. En France, huit agglomérations se sont portées volontaires : Paris, Saint-Denis, Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand, Bordeaux, Nice, Aix-en-Provence.
L’objectif recherché est de réduire la pollution atmosphérique et ses effets néfastes pour la santé. Un autre paramètre rentre également en compte : la pression des institutions européennes qui menacent Paris de lourdes sanctions financières en cas de non-respect de la règlementation européenne relative à la concentration dans l’air des polluants…
On ne peut bien sûr s’opposer au principe de vouloir mieux respirer en ville. Mais est-ce une raison pour imposer ces ZAPA aux automobilistes ?
8 millions de véhicules au minimum exclus des centres-villes
Si la création des ZPA est autorisée par la loi, c’est au pouvoir règlementaire, et plus spécifiquement au ministre chargé du développement durable, qu’il revient d’établir par arrêté la nomenclature des véhicules autorisés à accéder à la zone (article L.228–3 du code de l’environnement). Et c’est là que les problèmes commencent…
Quels seront les véhicules concernés ?
Si l’on prend le scénario le plus optimiste, seront interdit de circulation dans les ZAPA :
- Les deux roues mis en circulation avant le 1er juillet 2004
- Les voitures particulières mises en circulation avant le 1er octobre 1997
- Les véhicules utilitaires légers mis en circulation avant le 1er octobre 1997
- Les poids lourds, bus et autocars mis en circulation avant le 1er octobre 2001
Au total, plus de 8 millions de voitures particulières seraient concernées, soit 26% du parc automobile ! Mais le pire reste à venir ! En effet, le projet d’arrêté actuellement soumis à la consultation (cliquer ici pour en prendre connaissance), prévoit 4 groupes de véhicules, classés du plus polluant au moins polluant. Les collectivités locales devront ensuite décider à quel groupe s’applique la ZAPA, et à quel type de véhicule. Or, le scénario décrit ci-dessus est le moins contraignant et correspond au premier groupe. En pratique, les collectivités pourraient donc décider, en toute légalité, d’aller beaucoup plus loin et, dans le pire des cas, pourraient interdire de circulation tous les voitures et utilitaires immatriculés avant le 1er janvier 2006, c’est-à-dire même aux voitures à la norme Euro 3 ! On croit rêver ! C’est potentiellement le droit de circuler qui est purement et simplement remis en cause ! Même s’il est vrai qu’on imagine mal une collectivité locale prendre le risque de s’engager à l’heure actuelle dans cette voie, cette trop grande latitude accordée par les textes est dangereuse car avec le temps ou par le jeu des élections, qui peut parier qu’une municipalité un peu trop zélée ne sera pas tentée d’éradiquer totalement les voitures de son centre-ville ?
Clou du spectacle, les conducteurs en infraction se verraient « gratifier » d’une amende a priori de 3ème classe, soit 65 euros ! Ce coup de massue ne concernerait bien évidemment pas les véhicules de police, gendarmerie, SAMU, qui eux bénéficieront d’une dérogation nationale… L’identification des véhicules autorisés se ferait au moyen d’une pastille ou bien à l’aide de systèmes de contrôle automatique tels que la vidéoprotection. L’avantage de ce dernier système est que les automobilistes ne seraient pas dépaysés puisqu’ils ont déjà l’occasion de le croiser sur autoroutes ou dès qu’ils franchissent un feu…
De lourdes conséquences sociales
Les mesures ZAPA mettent en place une véritable discrimination par l’argent. De fait, qui sera pénalisé dans cette affaire ? Les ménages les plus modestes. En effet, les anciens véhicules visés par le projet d’arrêté ministériel sont souvent la propriété de personnes ou familles aux revenus modestes, qui n’ont pas les moyens financiers d’acquérir un véhicule neuf. Et bien sûr, aucune mesure n’est envisagée pour les aider à se procurer un véhicule moins polluant, neuf ou d’occasion.
Ce n’est pourtant pas les solutions qui manquent : dès 2008, 40 millions d’automobilistes avait proposé d’appliquer la prime à la casse à l’achat d’un véhicule d’occasion moins polluant de norme Euro 4, mis en circulation dès 2005. Cette mesure aurait permis de renouveler en profondeur le parc automobile français et diminuer ainsi le volume d’émissions de particules des voitures particulières. Personne n’aurait alors entendu parler de ces ZAPA et on aurait évité la polémique actuelle. L’association n’avait pas été écoutée, mais il n’est pas trop tard pour le faire.
Au final, on s’aperçoit que sous le vernis séduisant de la ZAPA se cache une réalité bien différente. La ZAPA apparait ainsi pour ce qu’elle est vraiment : une mesure discriminante qui va avoir pour conséquence directe d’exclure toute une partie de la population des centres-villes. On peut également craindre qu’avec ce projet, le gouvernement ait ouvert la boite de pandore. Tel qu’il est actuellement rédigé, le projet d’arrêté fixant la nomenclature des véhicules dans les ZAPA laisse en effet la porte ouverte aux dérives écologiques les plus extrêmes. Est-ce la politique de transport que nous souhaitons ?
Que pouvez-vous faire ? Le ministère de l’écologie a lancé un appel à contributions sur l’arrêté ministériel établissant la nomenclature des véhicules dans les ZAPA. Si comme nous vous souhaitez dénoncer la dangerosité de ce texte, vous pouvez donner votre avis en adressant vos contributions au ministère avant le 28 avril à l’adresse suivante : [email protected]