C’est une photo qui a été publiée hier par Le Parisien-Aujourd’hui en France et qui a suscité pas mal de commentaires dans le milieu politique. Elle montre Dominique Strauss-Kahn et Anne Sinclair montant dans une Porsche. Pour vous, c’est la première erreur du candidat DSK.
Il y a un paradoxe à voir monter dans un bolide un candidat à qui l’on a tellement reproché sa lenteur – en tout cas sa lenteur à entrer en lice. Mais maintenant que tout le monde a compris que DSK sera candidat aux primaires, l’image de cette voiture de sport ressemble à un symbole fâcheux pour quelqu’un qui sait qu’il devra rassembler les socialistes puis la gauche – et que beaucoup des critiques qui lui sont faites tiennent à sa situation de fortune, à son éloignement vis-à-vis des Français, à son rôle au FMI, c’est-à-dire au coeur du capitalisme mondial. Alors, la voiture n’appartient pas à DSK mais à l’un de ses proches. Il n’empêche que le futur candidat, qui avait vu le photographe, savait d’avance que l’image serait publiée, commentée, exploitée contre lui. En clair, que cette Porsche est comme un premier accroc sur la carrosserie d’une candidature jusqu’ici… nickel.
On n’a pas le droit de monter dans une voiture de luxe quand on veut être candidat socialiste ?
Rationnellement, on devrait dire que si – parce que l’essentiel ne tient pas aux apparences ni aux signes extérieurs de richesse. En réalité, on sait bien que trop d’opulence peut nuire à un prétendant à l’Élysée, de droite comme de gauche d’ailleurs ; mais plus encore à gauche parce que le PS reste tourmenté par ses aspirations contradictoires à la modernité économique sociale-libérale et à l’orthodoxie sociale-étatiste. Il reste que, si on veut absolument donner un sens politique à cette métaphore automobile, la Porsche est une voiture allemande – ça confirme l’engagement européen de DSK. Et qu’elle roule plus vite que beaucoup d’autres, en tout cas dès qu’elle a démarré…
On entend souvent dire que DSK serait un candidat « bling-bling ». Vous le croyez ?
C’est une erreur de vocabulaire : l’expression « bling-bling » vient des rappeurs américains, couverts de chaînes en or, et du bruit que font leurs bijoux quand ils bougent. Donc elle décrit un style ostentatoire, tape-à-l’oeil, une certaine arrogance sociale. Le terme a été repris en 2007 pour caricaturer le style de Nicolas Sarkozy – son look Ray-Ban et grosses montres. DSK, lui, gagne beaucoup d’argent au FMI, il vit depuis longtemps sur un train de vie aisé, et son épouse, Anne Sinclair, a hérité d’une grande fortune constituée par son grand-père, un grand marchand d’art. Autrement dit, ce sont des gens riches, mais on ne peut pas dire qu’ils étalent leur fortune. Ni que le style personnel de DSK soit moins sobre que celui de Nicolas Sarkozy. Raison de plus pour ne pas laisser croire qu’on roule en Porsche quand on se prépare à faire campagne pour réduire les inégalités. Je suis sûr que François Hollande, lui, va sillonner la France en Logan !
Est-ce que la fortune personnelle est un ingrédient essentiel dans une campagne présidentielle ?
Ça compte surtout de façon négative. Dans notre pays de tradition catholique, les candidats peuvent avoir de l’argent, mais il ne faut pas trop que ça se sache. Laurent Fabius ou Léon Blum ont subi en leur temps des critiques sur leur patrimoine – comme d’ailleurs Pompidou, qui venait d’une grande banque d’affaires. Et la relation compliquée de Mitterrand avec le monde de la finance a longtemps alimenté les fantasmes. DSK va avoir droit à son tour à ce type d’attaques. S’il veut incarner toute la gauche, il a intérêt à éviter d’autres maladresses de ce genre. Et s’il veut résister à tous les coups qui vont lui être portés, il a intérêt non seulement à rouler dans une voiture puissante, mais à se blinder.