Depuis quelques jours, une vraie tempête médiatique, une de plus, s'est emparée du football national. Il y aurait eu, selon le site d'information Mediapart, la volonté d'instaurer des quotas de joueurs en fonction de leurs origines ethniques. En soi, si cette information est avérée, et il semble malheureusement qu'elle le soit en partie, il y a un vrai scandale. Pour autant, il y a un autre scandale dans le scandale, dont personne ou presque ne parle, c'est celui des arguments donnés par les dirigeants de la Fédération Française de Football pour se défendre, et notamment par le sélectionneur Laurent Blanc.
Le premier argument consiste à dire qu'il s'agit de trouver des solutions pour lutter contre les joueurs à double nationalité, qui profitent des centres de formation français pour au final préférer la sélection nationale de leur pays d'origine. Ne pas vouloir faire le travail pour d'autres, l'argument peut se défendre, d'autant plus que l'excellence de la formation française est reconnue par tous, sauf que dans la réalité des faits, cela ne tient pas la route. Il est clair que lorsque l'on parle de bi-nationaux, on ne vise pas les Norvégiens ou les Polonais, mais bel et bien ceux qui viennent d'Afrique Noire ou du Mahgreb, or même après la débâcle du dernier mondial, la sélection française reste bien plus attractive en matière de retombées sur la carrière future du joueur que n'importe laquelle des sélections de ces pays. Un joueur qui brille en équipe de France contre l'Angleterre par exemple, aura plus de chances d'être remarqué par les grands clubs européens que s'il est bon lors d'un match Sénégal / Tunisie (et ce n'est pas la qualité de ces deux équipes qui est en jeu ici). De cette logique théorique découle une réalité des faits qui met à mal l'argument fédéral : la quasi-totalité des joueurs bi-nationaux qui choisissent de jouer pour la sélection de leur pays d'origine le font parce qu'ils n'ont pas ou peu de chances d'accèder en équipe de France, et ils attendent parfois que leur carrière soit bien avancée (30 ans pour Karim Ziani par exemple) pour se décider à franchir le pas (en gros, dans l'immense majorité des cas, c'est bien la France qui a leur préférence). Sauf à être utilisé comme un cheval de Troie, on voit bien que l'argument des bi-nationaux est un tantinet fallacieux.
Le second argument donné par le sélectionneur lui-même, et que l'on trouve dans le verbatim publié par Médiapart et repris dans la presse est encore plus choquant, parce que pour le coup, il fait résonnance avec certaines pages sombres de notre histoire. Pour lui, il s'agirait de changer la politique actuelle de sélection des joueurs, actuellement trop axée sur le physique et la puissance, et de préférer désormais des joueurs plus techniques, donc plus intelligents. Dans la bouche du sélectionneur, il ne fait pas de doute que les premiers sont noirs, et les seconds, plutôt blancs. Bref, les préjugés coloniaux ne sont pas très loin. Il n'est pas anodin de voir que les principaux protagonistes de cette polèmique en voulant se défendre contre les accusations de racisme, apportent de l'eau au moulin de leurs détracteurs.
En fait, toute cette histoire ne revêtrait aucun intérêt si elle ne s'inscrivait pas dans un contexte particulier, celui d'une forte montée de l'extrême-droite et de la banalisation de certains propos nauséabonds, voulue et encouragée par ceux-là même qui sont censés être garants de l'unité de la nation : le chef de l'Etat et son ministre de l'Intérieur entre autres. Cette dérive orchestrée en haut lieu est reprise dans toutes les couches de la société et provoque des comportements ambigus même chez des personnes de bonne foi : Laurent Blanc, est un grand joueur et est quelqu'un de respectable, en plus il n'est assurément pas raciste et est sincère quand il le clame, alors que même lui ne voit pas ce qu'il y a de choquant dans sa ligne de défense prouve que les dégâts sont considérables.
sur le sujet :
Pour contre balancer un peu, je conseille un magnifique billet sur le sujet paru dans le bondyblog.
sur d'autres sujets :
dasola conseille le livre de Tom Rachman : "Les imperfectionnistes".
A lire, le billet de Pensee libre sur ce qu'il y a de permanent dans les fascismes d'hier et d'aujourd'hui.
Je conseille le petit billet d'a tort ou a raison sur la corruption.