ce soir , mercredi, la télé nous gratifie de deux ou trois contes de Maupassant, en voici un traité par Balthazar dans son excellent recueil paru chez EDIFREE et qui porte ce titre idiot : "quel est cet imbécile qui a osé mettre en vers les nouvelles de Maupassant":
BOITELLE
Antoine Boitelle avait à Valognes
La spécialité des sales besognes :
Curer fosses et puisards,
Décrotter égouts et souillards.
Quand on lui demandait pourquoi
Il faisait cet ouvrage dégoutant,
Il répondait : « Ben quoi !
C’est pour mes douze enfants.
Faut ben qu’j’les nourrisse. »
Il avait effectué son service
Au Havre, dans la Royale.
La promenade municipale
Etait couverte de boutiques
D’oiseaux exotiques.
Dès qu’il avait une permission,
Boitelle y allait par passion.
Plongé dans ses rêves, le marin
N’avait pas remarqué le Gerin,
Café pourtant situé au carrefour
Qu’il empruntait tous les jours.
Or une fois, à l’entrée, tout de go
Jetant bouchons et mégots
Dans une poubelle de la rue.
Une jeune négresse lui apparut,
Elle leva les yeux sur le matelot.
Lui, manquant de culot,
Battit en retraite.
Mais par la suite, en fait,
Chaque jour, il la regardait
A travers les vitres
Poser sur les tables verres et litres.
Toutes les fois, elle lui souriait.
Ainsi l’accord entre eux se resserrait.
Un soir, Boitelle entra dans l’estaminet.
La servante noire fut si attentionnée
Qu’il y revint fréquemment.
C’était pour lui un enchantement,
Boitel limitait les douceurs liquides,
Sa bourse étant souvent à moitié vide.
Après deux mois de fréquentation,
L’amitié devint affection.
Travail, religion, économie
Etant les qualités de son amie,
Il lui demanda de l’épouser.
«Ça s’f’ra, si la mé s’oppose pas.»
A cette annonce, elle se mit à danser.
La semaine suivante, Antoine alla
Déjeuner dans sa famille
A Tourville.
A la fin du repas,
Au moment propice du café-calva,
Il annonça le désir de se marier.
La déclaration du marin-fourrier
Provoqua aussitôt des questions.
Il décrivit l’objet de sa passion,
Ne cachant rien
Pas même son teint.
-«Noire ? C’est-y partout ?»
-« Pour sûr, partout,
Comme toi t’es blanche.
L’curé, l’dimanche,
L’est ben en noir, aussi.
C’est pas pis qu’son surplis
Qu’est tout blanc. »
Le dimanche suivant,
Antoine, empli d’espoir,
Vint présenter son amie noire.
Parée de ses plus beaux atours
Où dominaient tour à tour
Le jaune, le rouge, le bleu, le rosé,
Elle donnait l’air d’être pavoisée
Comme un 14 Juillet.
Le père tapotait son gobelet
Mais se taisait.
La mère, plus hardie, lançait :
-« Elle est trop noire. Moins,
J’m’opposerai point,
Mais là, on dirait Satan.»
Antoine, comprenant
Que s’était fini,
Dit à sa bonne amie :
« Alle ne veut pas t’revoir.
Alle t’a trouvée trop noire.
J’va t’ramener au cabaret.»
Quand Antoine avait narré
Tristement son histoire,
On lui offrait à boire
Pour le réconforter
Car il s’empressait d’ajouter
«Après ça, j’ai eu cœur à rin,
A rin !
J’suis d’venu ce que j’sieus,
Un ordureux, un bouseux.»
Il était alors souvent charrié :
-«Tu t’es pourtant marié.»
-«Oui, et j’peux dire
Qu’elle m’a pas déplu l’Elvire
Pisque j’y fis douze marmots
Mais c’n’est point l’aut’.
L’aut’, elle n’avait
Qu’à m’observer,
Et sitôt j’me sentais
Comme transporté…»
FIN
Qui n’a pas vu une de ces séances à la Chambre, une de ces séances orageuses où les députés gesticulent comme des fous et jurent comme des charretiers, une de ces séances qui vous emplissent de colère et de mépris pour la politique et pour tous ceux qui la pratiquent ?
MAUPASSANT
La patrie de Colomba
Le Gaulois
27/9/1880