Socrate, Platon et Aristote, pour ne nommer que ceux-là, rejetèrent résolument la démocratie parce qu’elle repose sur «l’ignorance», et que l’ignorance est source de mal. Les partisans modernes de la démocratie libérale répliquent à ces pourfendeurs de la démocratie en les qualifiant de «parternalistes» : personne ne peut nous dicter, disent-ils, ce que nous devons faire, car, en cette matière, nous sommes tous et toutes souverains, c'est-à-dire libres. - Pourquoi donc? Wajdi Mouawad nous le répète : en matière de ce qui est bon ou mal, il n’y a pas de vérité universelle; chacun a là-dessus ses propres vus.
N’ayons pas peur des mots : la démocratie libérale repose implicitement sur l’admission du relativisme. C’est en partie faux. Je me corrige : la démocratie libérale repose en réalité sur une seule valeur : la liberté sacro-sainte du choix.
Lorsqu’on enseigne Socrate comme je le fais dans le premier cours de philosophie au collégial, ce n’est pas un «Socrate libéral» que j’enseigne, faisant de ce sage quelqu’un dont les opinions étaient éclairées en vue de faire de bons choix, mais le «Socrate-Socrate», si je puis dire, qui cherchait la vertu afin de bien vivre, et cela passait obligatoirement par reconnaître que j’ignore ce qui est bien et mal et, qu’en cette matière, mes choix ne sont bons pas parce que ce sont les miens, mais parce qu’ils sont universels.
Socrate nous est étranger parce que, selon lui, la vertu précède la liberté : on n’est pas libre sans être d’abord sage, courageux, tempérant et pieux, c’est-à-dire vertueux. Voilà la distance incommensurable qui nous sépare du maître antique . Tant que nous ne comprendrons pas cela, nous ne comprendrons pas la critique de la démocratie qui fut celle de Socrate, de Platon et d'Aristote.