C’est fascinant, il suffit de bavarder avec des inconnus dans la rue ou d’entendre les réactions à la radio ou à la télévision pour voir prospérer des théories du complot : les Américains ne pouvaient pas ignorer la cachette de Ben Laden. S’ils n’ont rien fait, c’est pour de bonnes raisons. Lesquelles? Au choix, et selon les interlocuteurs ses relations avec la famille Bush ou la CIA, la religion du père d’Obama… Et si on l’a tué quand on aurait pu le prendre vivant, c’est pour qu’il ne parle pas. Mais est-il vraiment mort? Pourquoi l’a-t-on jeté à la mer? et pourquoi ne veut-on pas nous montrer sa photo? celle que l’on a vue dans la presse était un montage. Etrange, non? La CIA nous a habitués à tant de coups tordus que cette fois-ci encore…
On retrouve dans ces rumeurs les ingrédients classiques : la défiance à l’égard de l’information officielle, défiance d’autant plus surprenante que nous vivons dans des sociétés libres où les autorités ont le plus grand mal à garder secret quoi que ce soit. Le désir d’établir toujours et partout des relations de cause à effet. Rien ne peut être laissé au hasard ou à l’incompétence. Tout doit avoir une explication rationnelle. Pourquoi, pourtant, ne pas imaginer que l’on peut cacher des choses aux services secrets? Pourquoi ne pas admettre les pannes, les failles dans les institutions les mieux huilées? Il y a tapie dans ces rumeurs l’idée d’une superpuissance qui contrôle tout et ne peut donc faillir.
On remarquera également la formidable flexibilité de ces réécritures de la réalité qui font beaucoup pour leur succès : ces rumeurs peuvent convenir à tout le monde, à l’anti-américain le plus féroce, au gauchiste qui en veut à Bush et à la CIA, à l’ennemi juré d’Obama comme au partisan de Ben Laden.
On peut parier qu’elles auront la vie dure et que toutes les dénégations du monde n’empêcheront pas leur diffusion.