Même à 0,05%, la taxe sur les transactions financières que Nicolas Sarkozy veut faire adopter au niveau mondial par le G20 ferait s’envoler la taxation des revenus de l’épargne.
Nicolas Sarkozy essaye de convaincre ses homologues au G20 d’introduire une « taxe sur les transactions financières ». Le but, particulièrement flou, serait tout à la fois de limiter la spéculation comme de favoriser le développement. Sans autres précisions… Mais elle est aussi présentée comme « morale » par le chef de l’Etat… Cette notion idéologique de rédemption par l’impôt n’est pas nouvelle et, s’agissant de ce projet de couche supplémentaire, son point de départ remonte à une proposition du prix Nobel d’économie en 1972, James Tobin, dans le but de limiter les opérations spéculatives, notamment sur le marché des devises.
Le président français présente cette taxe comme tout à fait indolore, car elle se ferait sur la base d’un taux très bas à 0,05% sur le montant de toutes les opérations sur les différents marchés financiers. Mais à quoi pourrait donc bien servir une taxation aussi marginale ? Son créateur, James Tobin, fournit la réponse : il envisageait pour sa part un taux pouvant se situer entre les 0,05% de Nicolas Sarkozy et… 1%, soit un niveau 20 fois supérieur !
On voit ainsi ce qu’il adviendrait de cette taxe si modeste… Une fois instaurée, il suffirait de jongler avec le taux, à la hausse bien sûr, pour la rendre infiniment plus conséquente. Au risque de perturber tous les marchés de capitaux qui financent l’économie…
D’ailleurs, au taux a priori aussi « ridicule » de 0,05%, cette taxe serait-elle si négligeable ? Eh bien, pas du tout, ce serait une grossière erreur de le penser. Même à 0,05%, une telle taxe ferait littéralement s’envoler la taxation des revenus de l’épargne !
Prenons un exemple simple… Un épargnant français a un portefeuille de 1000 euros. Il effectue un achat et une vente sur l’année, qui lui dégagent une plus-value de 10%, soit un gain de 100 euros. Actuellement, l’addition des nombreux impôts et taxes sociales sur les plus-values est de 31,30%, ce qui lui retire 100 x 31,30% = 31,30 euros. Son gain net d’impôts et de taxes ressort ainsi à 100 – 31,30 = 68,70 euros.
En appliquant la « taxe sur les transactions financières », il paiera d’abord à l’achat 1000 x 0,05% (= 0,5 euro), puis à la revente 1100 x 0,05% (= 0,55 euro). Puis il subira les 31,30% d’impôts et taxes, soit les 31,30 euros déjà mentionnés. Au total, il versera donc en tout 0,5 + 0,55 + 31,30 euros, soit un taux à 32,35% sur sa plus-value. On s’aperçoit ainsi que cette taxe si « minime », selon ses promoteurs, n’est pas du tout négligeable : elle augmente le prélèvement fiscal de plus d’un point entier de pourcentage ! C’est à dire la différence entre 32,35% et 31,30%.
Au point où on en est déjà, on va se dire que cela ne fait tout de même pas une grosse différence. Admettons… Mais reprenons notre même épargnant avec son même portefeuille de 1000 euros. Au lieu de ne faire qu’un seul achat et qu’une seule vente dans l’année, il fait douze achats et douze ventes pour aboutir à un résultat identique, c’est à dire une plus-value de 10%, soit 100 euros à nouveau.
Là, l’addition devient corsée. En voici le calcul simplifié, en considérant que toutes les opérations d’achat ou de vente sont faites sur le niveau médian de 1050 euros : 1 050 x (12 x 2) x 0,05% = 12,6 euros. Auxquels s’ajouteront bien entendu 31,30 euros au titre des 31,30% de fiscalité ordinaire. On arrive ainsi à un prélèvement global de 12,6 + 31,30 euros, soit 43,9 euros. Comme cette ponction finale se rapporte toujours à une même plus-value de 100 euros, cela donne un taux global de 43,9% ! Il ne reste donc plus dans la poche de notre épargnant que 100 – 43,9 euros = 56,10 euros au lieu des 68,70 euros avec le seul prélèvement de 31,30%…
On s’aperçoit ainsi que cette taxe soi-disant insignifiante devient rapidement une machine à broyer l’épargnant. Rarissimes sont en effet ceux qui ne font qu’un achat et une vente par an, surtout sur un petit portefeuille en actions. Même sur un portefeuille moyen, celui-ci est en moyenne investi et désinvesti au moins trois fois par an. Dans ce dernier cas, le plus courant, cela correspond à une taxation supplémentaire d’environ 3,5 points de pourcentage sur les plus-values. Ou pour rendre plus parlant cet exemple, à l’équivalent d’un passage de la CSG-CRDS de 12,3 à environ 15,8% !
Avec un taux de « seulement » 0,05%… Au taux de 1% envisagé au maximum par James Tobin, la taxation sur la plus-value dans ce dernier exemple serait alors portée de 43,9% à 283%, soit la perte au bout du compte de 283 euros pour avoir eu le tort d’ en avoir gagné 100…
Voilà la réalité pratique de ce projet de taxe supplémentaire : calamiteux pour l’épargne et l’investissement ! Mais gageons que les politiciens qui le soutiennent ne savent pas faire ces calculs élémentaires.
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