L’enfer aurait dû être un film d’Henri-Georges Clouzot, un des plus grand réalisateur français : Le Corbeau, en 1943, Quai des Orfèvres, en 1947, Le Salaire de la peur, en 1953... Le projet n’a pas abouti. Pourtant le tournage aura duré trois semaines (sur les 18 prévues) : quelques rubans de bobines ont donc été tournés. Qu’en était-il advenu ?
Serge Bromberg (véritable spécialiste de l’histoire du cinéma et passionné) explique comment, grâce à l’accord de la veuve d’Henri-Georges Clouzot, il a retrouvé ces rushes et pu en faire un film. Cette découverte est capitale pour l’histoire du cinéma. Elle permet de comprendre la genèse d’un film et surtout ce travail donne à voir deux acteurs formidable : Serge Reggiani et une actrice de légende, Romy Schneider, filmée dans des scènes incomparables et sulfureuses.
L’enfer. C’est une histoire de la jalousie. Celle d’un homme pour sa femme. Une jalousie maladive, obsessionnelle. Ce sont ces derniers aspects qu’Henri-Georges Clouzot va tenter d’explorer avec sa caméra. Filmant le réel en Noir et Blanc et les fantasmes et obsessions du mari en couleur.
Le projet de Clouzot était très novateur, son travail sur l’image, les couleurs, la musique aurait pu révolutionner le cinéma. Il cherche à montrer les tourments, en jouant avec tous les moyens à sa disposition pour donner un sens visuel et sonore à l’inconscient. Son budget était illimité ; des producteurs ambitieux (la major Columbia) lui avait donné carte blanche.
Un premier temps en studio puis direction le Cantal et le viaduc de Garabit qui sert de décor au film.
Pourquoi le tournage a dû être arrêté ? Que s’est-il passé ? Des tensions au sein des équipes de tournage, Reggiani quitte le plateau pour l’hôpital (il faut le remplacer - Jean-Louis Trintignant est approché - recommencer ?), Romy Schneider était splendide, peut-être trop ? Henri-Georges Clouzot est victime d’un accident vasculaire. Et c’est l’arrêt de l’aventure.
Le documentaire de Serge Blomberg nous permet de voir, enfin, ces prises de vues, ces images, accompagnées de commentaires et d’interview de protagonistes du tournage. Le mystère reste entier, il permet juste de lever un voile, impudique, sur cette aventure en lui conférant ainsi un cadre historique. Serge Blomberg agit tel un conteur d’histoire, son documentaire est plus affabulatoire que révélateur : il participe à la légende du cinéma et plus particulièrement de ce film, L’enfer, qui reste aussi impénétrable qu’inaccompli.
Parfait.
L’Enfer de H-G Clouzot
Serge Bromberg, MK2 - 2009