Sensibilité

Publié le 04 mai 2011 par Toulouseweb
Le transport aérien est plus que jamais fragile

On a du mal ŕ comprendre qu’un secteur d’activité totalement mondial, qui réalise un chiffre d’affaires annuel de plus de 600 milliards de dollars, trébuche dčs que se produit un incident conjoncturel ou géopolitique. On le comprend d’autant moins que les conséquences des moindres difficultés sont, dans la plupart des cas, hors de proportions avec les problčmes posés.

Une triple preuve nous est fournie par les statistiques de trafic de mars. Elles montrent, tout d’abord, que les compagnies aériennes réagissent mal au prix ŕ nouveau trčs élevé du pétrole, lequel oscille actuellement autour de 113 ŕ 115 dollars le baril. C’est beaucoup certes, encore qu’il s’agisse d’éviter soigneusement de comparer des pommes et des poires. Il est plus que jamais improbable que l’or noir redescende aux niveaux connus lors d’époques bénies qui font bel et bien partie d’une autre époque. Et, par ailleurs, pour des raisons qui relčvent de la psychologie des foules, et non pas de saines rčgles comptables, il apparaît toujours aussi problématique d’intégrer dans les tarifs une hausse notable d’une composante vitale du prix de revient, c’est-ŕ-dire des coűts directs d’exploitation.

On dirait qu’un tel raisonnement risquerait d’ętre considéré comme politiquement incorrect. Du coup, la notion de Ťsurcharge carburantť a de beaux jours devant elle. Mais il y a de toute maničre décalage entre l’évolution du prix du kérosčne et celui des tarifs affichés. Dčs lors, tout soubresaut pétrolier a aussitôt des conséquences dommageables. Et la maničre de traiter le problčme demeure un insondable mystčre.

Cela étant dit, deuxičme repčre d’actualité, voici que la catastrophe nucléaire japonaise déboule dans les statistiques de trafic, fait des dégâts importants en męme temps que de sérieux dommages collatéraux. Le trafic international vers ou au départ de l’archipel nippon accuse un recul de un p.c. et, pour l’ensemble de la zone Asie-Pacifique, dit l’IATA, la perte de trafic atteint 2%. Quant au trafic intérieur japonais, il s’écroule littéralement, avec une reculade spectaculaire de 22%. C’est peut-ętre le chiffre qui s’explique le mieux, sans qu’il soit nécessaire de procéder ŕ des études savantes.

Troisičme élément qui frappe les esprits, l’agitation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord fait mal au transport aérien, engendrant un recul de la demande de 0,9%. Mais, en y regardant de plus prčs, on constate qu’en Egypte et en Tunisie, le trafic chute de 10 ŕ 25%, selon les moments et les réseaux. La Libye, pour sa part, n’a pratiquement plus d’aviation civile.

Hors pétrole, ce sont pourtant lŕ des difficultés ponctuelles, clairement circonscrites d’un point de vue géographique et, ŕ premičre vue, en toute logique, on n’en attendrait pas de tels effets. Ce qui permet de constater, une fois de plus, ŕ quel point le transport aérien est fragile. De fait, aprčs deux ans de récession, croyant ŕ une reprise durable et harmonieusement répartie entre les différents réseaux, en mars, les compagnies avaient programmé une augmentation moyenne de leur capacité de 8,6%. Or la demande a augmenté de 3,8% seulement et le coefficient d’occupation des sičges a chuté de trois points et demi pour revenir ŕ 74,6%. Un niveau qui, dans la plupart des cas, se situe en-dessous du seuil de rentabilité, les recettes unitaires moyennes étant médiocres.

En regardant plus particuličrement les résultats du pavillon européen, on trouve des statistiques décevantes. Toujours en mars, par rapport au mois précédent, les chiffres font état d’une inquiétante croissance zéro pour les membres de l’IATA. Mais les low cost font beaucoup mieux, comme de coutume. Enfin, ID Aéro nous avait prévenus, les résultats américains ne sont pas bons. D’oů une impression d’éternel recommencement qui suscite déception et lassitude.


Pierre Sparaco-AeroMorning