En trois longs chapitres, les auteurs dépeignent le difficile passage de l’adolescence à l’âge adulte. Lucky Tetsaduda est un jeune garçon ne trouvant pas sa place dans une société qui n’offre aucun salut aux demi-portions dans son genre. Récit d’initiation, cette « histoire d’un pauvre homme » est menée avec finesse et intelligence. Gamin frondeur, rêveur et un brin grande gueule, Lucky est un personnage attachant pour lequel le lecteur développe naturellement une certaine empathie.
Lucky in Love est une réussite, tant sur le plan historique que graphique. Historique car George Chieffet brosse un portrait réaliste de l’Amérique des années 40. Une époque où la jeunesse, après avoir subit les affres de la guerre, rentre au bercail avec des envies de gloire et d’argent. Réussite sociale et culte de l’apparence sont alors au cœur des préoccupations de ces nouveaux héros de l’Amérique. Un tremplin vers la modernité qui ne laisse pas de place aux losers... Sur le plan graphique, le travail de Stephen DeStefano est assez remarquable. La qualité de son noir et blanc aux aplats magistraux est renforcée par le papier couleur saumon qui donne petite touche vintage du plus bel effet. Convoquant tout à la fois les fantômes de Milt Gross, Rudolph Dirks (Pim Pam Poum) ou encore Harvey Kurtzman (Little Annie Fanny publiée dans Playboy), il rend un hommage appuyé à ces grands anciens dont les publications ont illuminé pendant des décennies les pages des quotidiens US.
Voila un premier volume qui prouve avec maestria à ceux qui en douteraient encore que le comics ne se limite décidément pas aux super-héros en collant moule-burnes.
Lucky in love T1 : histoire d’un pauvre homme de George Chieffet et Stephen DeStefano, éd. Çà et là, 2011. 126 pages. 14 euros.