Voilà, Ben Laden est mort. A lui, je ne sais pas, mais à nous ça fait une belle jambe. Aux patriotes américains, ça fait un beau sourire, et des beaux titres de une. Et pour France 2 (ainsi qu'un peu partout sur internet), une belle photo affreusement truquée. La traque du scoop conduit souvent à la triche. Lies and tricks...
Et déjà, la théorie du complot se remet en ordre de marche. Il paraît que Johnny Halliday n'est pas mort, ni Elvis Presley, ni Marie-Antoinette, ni la laïcité en France... Que la démolition du World trade center est un coup monté par la CIA et le lobby juif. Que les dinosaures n'ont jamais existé, et que Jésus est ressuscité. Certains magnae allumni prétendent même que Dieu existe. Bon, le gouvernement (et pas "l'administration", américanisme snob ou ignorant) américain a tout fait pour alimenter le phantasme. Pas de photo, pas de vidéo, pas de corps, un largage de la dépouille dans l'eau... Voilà qui va entretenir bien des délires, des mythomanies en ligne, mais qui arrange bien, en même temps, les autorités US : tant que le doute subsistera, Ben Laden ne sera pas remplacé, ni physiquement, ni dans l'imaginaire des fous.
Quoi qu'il en soit, la vie continue, comme on dit. On n'a pas encore "fait justice" aux millions de victimes du chômage, des délocalisations, des 11 septembre sociaux quotidiens, des errants qu'on croise dans nos rues, ou qu'on ne croisera plus jamais nulle part. Nul commando ne sera jamais envoyé pour faire leur fête aux responsables de ce massacre.
Et c'est tant mieux. La peine de mort est abolie. Les années de plomb sont loin derrière nous. Action directe et les révolutionnaires dogmatiques et armés sont enterrés dans nos souvenirs, incertaines images, inquiétants fantômes.
Les spectres d'aujourd'hui, souriants poltergeist, dansent sur les écrans télé : un prince et une princesse de papier, des aventuriers au teint de papier mâché, des héros anonnant leur langage SMS à la télé réalité. La réalité...
François GILLET