Rien ne m’enlèvera jamais le plaisir de voir un film sur grand écran plutôt que sur un écran de télévision, mais il faut bien avouer que j’aimerais parfois que les autres spectateurs soient tous aussi sages que moi devant un long-métrage. Malheureusement je n’ai pas encore réussi à me cloner ou à inculquer à tous les spectateurs parisiens comment se comporter dans une salle de cinéma (même si je ne désespère pas encore…). En attendant de sortir de mes cartons un guide du bon comportement des spectateurs ou un guide des meilleurs spectateurs (ça va venir, guettez-les), j’aime tomber sur une salle de spectateurs à mon goût.
A quoi cela ressemble donc, de tels spectateurs? C’est très simple, et parfois trop souvent utopiste malheureusement : des spectateurs entièrement dévoués au film qu’ils sont venus voir. Des spectateurs qui sont là pour le film, et ne se laissent distraire par rien d’autre. Discussion de voisinage, iPhone ou pop-corn n’ont pas droit de cité pour ces spectateurs qui seront absorbés par le film pendant deux heures. C’est comme ça que j’aime mes voisins de salle. Et s’il est évidemment difficile de prévoir à l’avance quel type de spectateurs on va avoir avec nous, il est un certain genre de films pour lequel on a plus de chances de tomber sur ces pépites de spectateurs. Et en ce moment il est un film à l’affiche qui offre un tel potentiel. Thor.
Attention je vous préviens tout de suite, au cas où vous arrêteriez de lire à cet instant ce billet pour vous précipiter dans la première salle qui joue le film de Kenneth Branagh. Il est bien sûr des conditions à respecter pour mettre toutes les chances de son côté. La première, c’est bien sûr d’éviter les horaires grands publics. Ne vous précipitez pas sur les séances du vendredi soir, et le week-end, essayez d’aller au plus tard à la séance de 14h. Toute séance sur les Champs-Élysées ou dans un multiplexe de banlieue programmant le film en VF est bien sûr également proscrite…
Pour Thor, l'élément clé, c’est d’essayer d’éviter la 3D. Le film passe dans quelques salles en 2D, et cela devrait également aider à tomber sur un public plus clément. Après un an et demi d’instauration de la 3D, les spectateurs les plus assidus et/ou passionnés ont eu le temps de se rendre compte que la 3D n’est pas bonne pour tout, et qu’un film comme Thor qui n’a pas été tourné en 3D mais a seulement été gonflé ainsi en postproduction n’a pas à être vu en 3D. Vous voilà parés pour aller découvrir Thor dans des conditions idéales.
Parce que Thor attire un public de geeks passionnés de super héros, de Marvel et de comic-books, et qu’ils attendant un tel film avec la ferveur d’un fan de Malick, et qu’en conséquence il est hors de question pour eux de ne pas regarder le film religieusement. Le week-end dernier donc, je suis allé voir le film de Kenneth Branagh en début d’après-midi au MK2 Bibliothèque qui programmait le film en 2D. La salle d’à peine 200 places, pleine, était en grande majorité composée de mecs de 20/35 ans, pas de vieux ronflant, pas d’ados piaillant. Une idéale salle de geeks absorbés dans le film. Le film étant plutôt réussi, nous étions tous d’autant plus en mode concentration totale.
Thor, je l’ai peut-être attendu un peu plus que les autres films de super héros hollywoodiens, la faute à la présence derrière la caméra de Kenneth Branagh. Le cinéaste britannique s’est montré plutôt discret ces dernières années sur grand écran, et l’idée de voir ce grand spécialiste de Shakespeare s’atteler à un Marvel aux accents mythologiques était alléchante d’entrée. Lui qui a porté au cinéma Henry V, Hamlet et Beaucoup de bruit pour rien avait là l’occasion de se frotter à un autre type de lutte de pouvoir, de complots de cour et d’affrontement familiaux. Il en ressort un film fun sachant manier la légèreté, impressionnant visuellement dès que l’on se trouve à Asgard, ce Royaume des Dieux d’où est banni Thor, héritier du trône dont la vanité l’emporte trop sur la sagesse, poussant son père Odin à le reléguer sur Terre, au grand dam de ses compagnons d’armes qui voient d’un mauvais œil l’avènement de son frère Loki à Asgard.
Branagh sachant manier les intrigues shakespeariennes, c’est bien dans les décors merveilleux et royaux d’Asgard que le réalisateur tire le meilleur profit de son film. Car si la partie terrestre apporte l’humour, elle offre aussi une intrigue sentimentale entre Thor (incarné par Chris Hemsworth, qui affichait déjà un charisme insolent dans Star Trek) et la jeune scientifique Jane Foster qui s’avère bâclée et pas franchement crédible. Natalie Portman, qui campe la belle, aurait même tendance à taper un peu sur les nerfs. J’aurais préféré voir le scénario s’appesantir plus sur les personnages, étoffer les guerriers d’Asgard qui sont trop peu exploités. Une petite densification du scénario n’aurait pas fait de mal à ce film trop court sur les bords.
Je suis en tout cas bien content de ne pas l’avoir vu en 3D tant il paraît évident que la technique n’aurait absolument rien apporté au film sinon une grande confusion dans les séquences d’action, un syndrome Green Hornet qui m’aurait passablement énervé. J’aurais aussi préféré le voir ailleurs qu’au MK2 Bibliothèque avec cet écran bien trop petit pour la taille de la salle, un écran désespérément plat et donc distant qui plus est. Mais mieux vaut cela, avec un public exemplaire, qu’une 3D avec des spectateurs pop-corn/discute/iPhone. Le signe qui ne trompe pas ? Plus d’un tiers de la salle est restée pendant le générique de fin quand je me sens habituellement bien seul à le faire, même si l’attente d’une séquence post-générique inévitable en était bien sûr la cause…