Après le trek dans la jungle, nous restons trois jours à Loksado, hébergés dans notre petit losmen au bord de la rivière. On se sent bien ici : le temps passe lentement, la nature est autour de nous, il n’y a pas grand chose à faire. Se reposer après le trek de deux jours, lire sur le balcon en regardant la rivière, parler le Bahasa avec les gens du village, se promener, et ne penser à rien. Voilà notre programme.
Pour commencer, Jean-François est revenu du trek avec un mal de dos terrible. Notre guide Amat a donc contacté le masseur du village. Johan est venu un soir au losmen pour s’occuper de Jean-François. Ce n’est pas son métier officiel, mais disons que c’est à lui qu’on fait appel en cas de besoin ici. Et il est très doué. Une heure de massage des pieds à la tête a suffi pour requinquer Jean-François.
On aime bien Johan : il ne parle pas anglais, mais il a quelque chose dans les yeux qui en dit long sur sa bonté.
Le bamboo rafting
Une des activités phares de Loksado : la descente de la rivière sur un long radeau en bambou.
J’avais déjà fait du « bamboo rafting » en Thaïlande, dans la région de Chiang Mai en 2006, mais ça n’avait pas grand chose à voir : nous étions nombreux sur un grand radeau, un pilote à l’avant, un autre à l’arrière, et nous descendions une rivière sans aucun rapide. Ça ressemblait plus à une promenade en barque (voir l’article Chiang Mai et ses éléphants).
A Loksado, c’est un peu différent. D’abord, on n’est que deux par embarcation, plus le pilote. Et puis la rivière Amandit, elle envoie parfois ! On ne peut évidemment pas comparer ça au rafting qu’on connaît en France, car les rapides ici sont moins impressionnants, mais ça secoue un peu et ça mouille les fesses ! C’est très amusant.
La descente dure deux heures, notre pilote guide l’embarcation avec une longue perche en bambou. Il évite ainsi les rochers, les branches d’arbre qui s’affalent sur la rivière. Parfois, il utilise la perche pour faire des petites acrobaties : il est très doué et sourit en permanence.
On a bien aimé ce moment. Il n’y a rien d’extraordinaire dans cette activité, mais les paysages sont agréables, la descente est plaisante, et j’avoue que pratiquer une activité sans effort le lendemain du trek nous a fait du bien.
La vie locale et les rencontres
Ce qui nous a beaucoup plu à Loksado, c’est la dimension humaine de certains moments. Il y a bien sûr les échanges avec la grande famille propriétaire du losmen, qui loge dans les deux maisons d’en face. Tous les jours on fait un brin de causette avec eux, et on progresse en indonésien. Ils sont très gentils et ont toujours le sourire. Il y a aussi Rian, un de leurs enfants : un petit bonhomme au regard espiègle qui m’envoie toujours des bisous lorsque je suis sur le balcon du losmen.
Mais ce n’est pas la plus belle rencontre qu’on ait faite, sans doute parce qu’il y a une relation d’argent entre nous. Il faut dire que cette famille gère une grande partie du business de Loksado. Le losmen, c’est Adriana. La boutique d’en face où l’on prend les petits déjeuners, c’est Salasiah (sa sœur ou sa cousine). Le « bamboo rafting », c’est le marie de Salasiah. Et lorsqu’on a besoin de se faire déposer en mobylette quelque part, ce sont aussi les ados de la famille qui se pointent. Du coup au bout d’un moment, malgré leur gentillesse, on a l’impression qu’on est toujours en train de les payer. Et puis, ils sont durs en affaires. Notamment pour les mobylettes : pas moyen de négocier, les ados refusent catégoriquement toute ristourne. Et ils préfèrent ne pas nous emmener plutôt que de baisser un peu leurs prix. C’est agaçant, sachant qu’en Asie du sud-est, la négociation est un art de vivre…
Notre vraie rencontre authentique à Loksado, c’est avec Johan (le masseur) et sa famille. Un après-midi nous nous promenons dans le village, de l’autre côté de la rivière. Nous sommes invités sur le porche d’une gentille famille qui nous offre des bananes, et nous fait la conversation (toujours en Bahasa).
Johan passe par là avec ses deux filles et décide de nous inviter chez lui. Ça a l’air de lui faire plaisir. Et franchement, à nous aussi ! Il nous conduit dans sa maison, un peu en retrait de la route, près de la rivière. Une petite demeure en bois, très mignonne, composée d’une pièce à vivre, deux chambres et une cuisine.
Il s’excuse plusieurs fois d’avoir une maison en bois aussi petite, et nous explique qu’il ne gagne pas assez d’argent pour se payer une maison en dur. Mais nous, on l’adore sa maison, elle a un charme fou, et elle est bien plus grande que notre appartement parisien ! Bien sûr, elle est très peu meublée et il n’y a pas l’eau courante, mais nous y passons un excellent moment, assis par terre à boire le thé, et à discuter de nos vies respectives, dans notre indonésien approximatif. Nous leur montrons aussi des photos de France stockées sur nos portables : ils sont éberlués !
Ses filles sont mignonnes comme tout. Et malgré leur timidité initiale, elles finissent par se rapprocher de nous. Nous jouons à nous lancer un petit bout de caillou comme si c’était une bille. Elles rient à gorge déployée lorsque j’envoie le caillou dans la mauvaise direction. Puis elles nous montrent fièrement comment elles apprennent à compter en anglais. Elles sont craquantes.
Johan et son épouse nous accueillent avec simplicité, ils sont curieux de tout, et ont le cœur sur la main. Dès notre arrivée, Johan nous sort une bible. Il est protestant. C’est marrant comme la religion est au cœur de leur vie. Quand il est venu pour le massage, il nous a demandé notre religion. Catholiques d’éducation, mais aujourd’hui plutôt athées, nous répondons toujours que nous sommes catholiques, car il est difficilement concevable en Indonésie de ne croire en aucun dieu. Ça nous évite de devoir nous expliquer et de rentrer dans de longs débats philosophiques dans une langue qu’on ne maîtrise pas.
Après plusieurs heures, Johan nous pose une question qui nous fait fondre : « Est-ce que mes filles peuvent vous appeler tonton et tata ? ». C’est inattendu, et nous sommes vraiment touchés par son affection. Cette rencontre est chaleureuse, belle et authentique parce que totalement gratuite et désintéressée. En fin d’après-midi, Johan nous raccompagne au centre du village avec ses filles et nous prenons congé, sans oublier de noter son adresse, pour lui envoyer les quelques photos prises ce jour-là.
Il y a aussi les sympathiques propriétaires du warung (petit resto de rue) où l’on prend nos repas. Un endroit très simple où l’on mange de délicieuses soupes de nouilles au poulet et autres nasi goreng (riz sauté) ou mie goreng (nouilles sautées). Le petit couple n’est pas très bavard en général, mais ils ont eux aussi ce je ne sais quoi dans les yeux qui pétille et qui sent la bonté, une affection toute naturelle envers les inconnus.
L’estomac copieusement rempli, nous échangeons chaque soir quelques phrases en indonésien. Et il n’est pas toujours évident de se comprendre. Mais ces moments ont le charme de la pudeur et de tout ce qu’on peut se dire sans les mots.
Notre séjour à Loksado s’achève : nous repartons ressourcés et le cœur rempli de beaux souvenirs. Dernière photo de groupe avec Amat et la famille du losmen. Demain, nous prenons la route pour Banjarmasin, où nous allons être contraints de repasser deux jours, en attendant notre avion pour Balikpapan. Deux jours dans cette ville glauque, triste perspective…
⊕ Infos pratiques
Wisma Alia : chambre double (ventilateur), salle de bain commune, 130 000 Rp.