C’est la deuxième fois que nous venons à Derawan, cette île minuscule de la mer des Célèbes, au large de la côte est de Kalimantan. L’an dernier en octobre, nous y avons passé cinq jours merveilleux, à l’abri de l’afflux touristique (voir l’article Derawan, notre petit trésor du bout du monde). Il y a très peu de touristes à Derawan, l’île a donc gardé le charme des endroits isolés et si paradisiaques. Des eaux turquoises transparentes, des tortues qui viennent vous dire bonjour sous votre ponton au réveil, des plongées hallucinantes avec les raies manta, des habitants extrêmement accueillants.
Le plaisir de renouer avec les vieilles habitudes
Cette année encore, nous logeons au losmen Danakan, un ensemble de chambres au confort basique, posées sur un ponton au-dessus de l’eau. Ses propriétaires, Rida-ah et Aris, vivent au rythme d’ici : doucement le matin, pas trop vite l’après-midi. Ils nous accueillent avec leur sourire et les quelques mots d’anglais et de français qu’ils connaissent ; le reste se fait en bahasa indonesia (la langue nationale).
Comme en 2009, nous avons choisi la chambre qui est presque tout au bout du ponton. Les chambres ne sont pas numérotées, mais si vous y allez, essayez de demander celle-là. Les nuits y sont douces, bercées par le clapotis de l’eau sous le plancher. Et puis on y est à l’abri de l’éventuelle agitation de la salle à manger, avec pour voisines, des tortues.
Guillaume quant à lui est logé dans la grande chambre bleue tout à fait au bout du ponton, juste en face du mandi commun. L’avantage d’occuper ces chambres-là : le mandi commun n’est partagé que par nous !
Pas grand chose n’a changé en apparence depuis l’an dernier. Le village est toujours mignon et relativement propret (contrairement à beaucoup d’îles en Asie du sud-est), la calme et la sérénité règnent en maîtres ici. Il y a peut-être un petit plus de touristes que l’an dernier, mais ça reste très raisonnable. Le losmen Danakan n’a pas changé non plus, les repas y sont toujours excellents, et le petit club de plongée est toujours là. C’est comme si les saisons n’avaient aucune prise sur cet endroit.
A nouveau nous passons notre temps entre farniente sur le ponton, snorkeling, balades autour de l’île et bien sûr, plongée sous-marine. Le soir, c’est coucher de soleil et lever de lune depuis le ponton du losmen. Le temps passe tranquillement, et on se laisse facilement aller à ne rien faire. C’est tellement agréable.
Où sont les raies manta ?
C’est peut-être en plongée que le changement est radical. Tout d’abord, la mauvaise nouvelle : les raies manta ont déserté ! Guillaume et Patrice, à qui nous avons vendu des plongées exceptionnelles, et qui sont venus jusqu’au bout du monde pour nager avec les raies manta, sont extrêmement déçus. L’an dernier il y en avait à la pelle, en plongée et en snorkeling : un de nos plus beaux souvenirs (voir l’article Rencontre avec les raies manta de Sangalaki).
On n’arrive pas trop à savoir pourquoi elles sont parties : pas assez de plancton en ce moment (leur repas préféré), courants trop faibles, pêche à la dynamite ? On a bien aperçu deux jolies raies aigles, mais pas de manta. Le bide…
Du laisser-aller au divecenter
Autre changement décevant : le club de plongée. L’an dernier nous plongions avec Osland, un divemaster free-lance discret mais fort sympathique. A Derawan, pas de débriefing après les plongées, comme ça se fait partout ailleurs, à l’aide d’un livre sur la faune et la flore maritimes d’Asie du sud-est. Cela dit en 2009, Osland revenait chaque soir après le dîner pour nous aider à compléter nos carnets de plongée, et prévoir la sortie du lendemain.
Cette année, Osland n’était là que pour la première virée en plongée. En revenant au losmen en fin de journée, il a appris le décès de son père : nous ne l’avons donc plus revu. C’est Otong qui a pris le relais. Un autre divemaster free-lance, beaucoup moins professionnel. On a presque l’impression de l’ennuyer. Les briefings pré-plongée sont courts et sans intérêt, nous devons faire le forcing chaque soir pour qu’il nous suggère des plongées pour le lendemain. Il n’est pas force de proposition, pas motivé, et ne revient au losmen le soir que lorsqu’on insiste vraiment.
De plus, l’organisation des plongées reste compliquée et les prix difficilement négociables. Au centre de plongée du losmen Danakan, rien n’est vraiment organisé. Il faut trouver son speedboat pour se rendre sur les sites (Kakaban, Sangalaki, Maratua) et les prix sont carrément prohibitifs (contrairement à celui de la plongée qui est raisonnable). C’est la deuxième fois qu’on vient, on se souvient de nous, et lorsqu’on annonce qu’on va tous plonger pendant une semaine, le boatman (Ferry) nous accorde difficilement une ristourne. Après une longue conversation chaotique en indonésien, on parvient quand même à obtenir le même prix que l’an dernier.
Cette organisation était la même en 2009, mais lorsque les plongées sont magnifiques et le divemaster impliqué, on passe un peu l’éponge sur ce côté laborieux. Mais cette année, ça devient pesant.
Rencontre avec César, un suisse-italien qui parle, qui parle !
Fait marquant de ce deuxième séjour à Derawan, la rencontre avec César, surnommé Marco Polo, et son acolyte June, un indonésien originaire de Lombok. César est un SDF. Il vit entre la Malaisie (où il a monté une auberge avec June), la Nouvelle-Zélande, et la Suisse. A 50 ans, il a fait le tour du monde et a mille histoires à nous raconter. Il nous parle en français avec un petit accent très rital, et nous explique sa vie de baroudeur, sa vision du monde, ses aventures. Il parle beaucoup César, peut-être un peu trop, mais on l’aime bien. Il nous fait rire, avec ses théories sur tout et n’importe quoi !
César est un ancien pêcheur. Il nous emmène au concours de pêche qui a lieu sur Derawan pendant notre séjour. De gros poissons étalés sur la plage, une ambiance de fête au village : ça contraste avec le calme habituel de l’île, et c’est plutôt amusant.
Et où sont les Bintang ?
Le dernier des changements notoires entre 2009 et 2010 : les autochtones n’ont plus le droit de vendre de la bière. Ça fait presque trois semaines qu’on baroude à Kalimantan, et on a effectivement cru comprendre que la bière était difficile à trouver. Jusqu’ici je me disais : « tant pis, je sais qu’à Derawan, il y en aura ». Manque de pot, Aris nous explique qu’à présent, on ne trouve la Bintang qu’au marché noir, à un prix hallucinant : 50 000 Rp la bouteille (environ 4€). Pour donner un ordre de grandeur, la Bintang se vend 12 000 Rp à Bali ou à Sumatra.
C’est vrai qu’on la payait déjà cher l’an dernier à Derawan (35 000 Rp), mais on pouvait l’acheter directement auprès du Losmen. Cette année niet, Aris nous dit d’abord que c’est impossible de s’en procurer, puis grâce à June, on parvient à se fournir tous les soirs. Au final à part le prix, ça ne change pas grand chose : Aris nous demande chaque jour combien on souhaite en acheter, il va faire son petit marché (noir) et nous le payons en fin de soirée, en fonction de ce qu’on a consommé.
On nous explique que la bière est désormais interdite pour des raisons de sécurité, pas de religion. Apparemment il y a eu beaucoup de bagarres entre locaux, rapportées par la police depuis l’an dernier. Les Indonésiens ne boiraient pas pour le plaisir, mais pour s’en mettre plein le gosier, et finir complètement ivres, déclenchant souvent des bagarres de rue. Les autorités de Kalimantan ont donc décidé d’interdire purement et simplement l’alcool, y compris pour les touristes… On nous a déjà expliqué ça la semaine dernière à Loksado, c’est donc le discours officiel. Mais nous ne sommes pas totalement convaincus que ce soit la seule raison.
Adieu Derawan
Au final, c’était plutôt agréable de retourner à Derawan, revoir Rida-ah et Aris, retrouver notre petite chambre sur le ponton, vivre au rythme de cette île lointaine. Un vrai plaisir pour nous. Mais l’absence de raies manta a évidemment porté un coup à l’image de l’archipel. Et surtout le je-m’en-foutisme d’Otong nous a profondément agacés.
Ce qui nous avait plu à Derawan en 2009 ? La douceur de vivre, les fous rires des enfants, le sourire des adultes, le temps qui passe lentement. Les gens qui ne nous parlent qu’en indonésien, l’impression d’être au bout du monde. Et nous avons retrouvé tout ça en 2010. Mais peut-être que ce goût de bout du monde ne peut se ressentir qu’une seule fois au même endroit, et que quand on y revient, tout n’est que déjà vu. Pas d’effet de surprise, sauf les mauvaises. Il faut donc aller chercher la surprise ailleurs, en terre inconnue…
C’est pourtant agréable de revenir : le plaisir de se retrouver dans un endroit qui nous a procuré tant de bonheur. La joie d’y emmener d’autres personnes. Le fait qu’on se souvienne de nous. Très souvent je regrette de n’être qu’une touriste parmi tant d’autres. Il y a des gens en Indonésie qui m’ont tellement marquée que j’aimerais qu’ils se souviennent de moi comme je me souviens d’eux. Sentiment très égocentrique certes. Car je sais que même si ces personnes ont été formidables avec moi, elles l’ont été et le seront avec des centaines d’autres et leur souvenir de moi finira inévitablement aux oubliettes.
Alors c’est sûr, dans un lieu comme Derawan, la probabilité qu’on se souvienne de vous est bien plus élevée, surtout en y retournant un an plus tard. Et cela a été le cas.
Après une semaine sur l’île, nous avons dit adieu à Rida-ah et Aris, non sans un gros pincement au cœur, un jour de pluie. Adieu oui, car cette fois nous sommes sûrs de ne jamais revenir. Pas parce qu’on n’aime plus Derawan, mais parce qu’on a compris qu’un beau souvenir doit rester un beau souvenir…
⊕ Infos pratiques
Losmen Danakan :
Chambre double (ventilateur) au bout du ponton, petit déjeuner inclus : 125 000 Rp
Chambre double (ventilateur) autour de la salle à manger, petit déjeuner inclus : 100 000 Rp
Mandi commun dans les deux cas.
En arrivant de Tanjung Batu en speedboat, demander à être déposé directement sur le ponton du losmen.
Réservation possible via Kadek, le propriétaire du centre de plongée (basé à Berau) :
Portable +62 813 4621 7872 / Email : [email protected]
Plongée au losmen Danakan [prix 2009 et 2010] :
- La plongée : 250 000 Rp (≈ 20€), négociés à 200 000 Rp (≈ 16€) car nous possédons détendeur, combinaison et bottillons
- Speedboat Maratua : 1h, 900 000 Rp (≈ 73€)
- Speedboat Kakaban + Sangalaki : 900 000 Rp (≈ 73€)
- Speedboat Sangalaki seule : 30-45 mn, 700 000 Rp (≈ 57€)
- Speedboat Kakaban seule : 1h, 800 000 Rp (≈ 65€)
/!\ 3 plongeurs maximum sur le speedboat, 2 plongées maximum par jour et par plongeur.
Si vous êtes nombreux, possibilité de louer un slowboat (plus économique mais moteur TRÈS bruyant), pour 1 million de Rp (≈ 81€). Exemple d’itinéraire à la journée :
- Derawan -> Kakaban : 2h30
- Kakaban -> Sangalaki : 1h
- Sangalaki -> Derawan : 1h45