L’hélicoptère s’apprête à décoller mais Brian reste réticent :
- Quand même, nous faire bosser un premier Mai, c’est inhumain ! J’espère qu’on va récupérer ce jour chômé et férié !
- La ferme Brian, lance énergiquement son lieutenant, le pays nous regarde et surtout notre chef suprême ! N’oublie pas que tu disposes d’une caméra fixée sur ton casque et que tu représentes l’honneur de notre Nation !
- Yes sir, lance Brian avec ferveur mais non sans résignation.
- Bon les gars la mission est simple : on descend, on rentre chez lui, on le dégomme, on emporte son cadavre ! Je ne veux aucune bavure ! Aucun mort sauf chez l’ennemi ! C’est bien compris ! N’oubliez pas la récompense de Georges Bush, elle court toujours : 35 millions de dollars !
- Ah ? Ca a augmenté ? On n'avait pas parlé de 25 millions de dollars !
- Si Brian ! Affirmatif ! Ca a augmenté ! C'est indexé sur le brend avec un indice pondéral qui tienne compte de l'inflation augmenté d'un taux actuariel brut de 4,75 % !
- Moi j’ai emporté mon chapelet, fait remarquer Ryan le brigadier, je vais prier Jean Paul II pour que tout se passe bien ! Bienheureux, bien..un..heureux !!
- La ferme Ryan, prie en silence ! Bon il décolle cet hélicoptère ! Vingt dieux il en fait un drôle de bruit avec son rotor !
- Cesse de jurer Brian ! Ah, on décolle ! A Dieu va !
Les hélicoptères lévitent enfin !
- C’est encore loin Abbottabad, demande Brian ?
- On y est dans cinq minutes ! Préparez-vous incessamment !
Bientôt les gros bourdons à pales de la team six survolent la cible. Le commande est hélitreuillé dans une résidence fortifiée.
- N’oubliez pas d’allumer vos caméras, on commence, en piste !
Les hommes super entraînés s’infiltrent facilement dans la résidence en mâchonnant un vieux chewing gum des familles ! La main sur la détente, Brian ne s’aperçoit même pas qu’il vient de tirer : c’était un chat ! Sa voix se fêle un peu, puis se meurt. La troupe avance et rencontre un premier opposant hirsute et barbu. Feu. Trois balles dans la tête ! On progresse, le cœur battant ; la cible se rapproche…
Nouvelle rafale : deux ennemis tombent sur le sol sans avoir pu finir leur loukoum à la pistache ! Puis c’est le tour d’une pauvre femme : une balle dans la tête, c’est le tarif chez les gros bras du Navy Seals !
Les caméras tournent à plein régime pour un film tout en couleur, à vif ! James Cameron avait préconisé du 3 D ! Trop cher a rétorqué la CIA ! Onéreux en ces temps de compression budgétaire, a renchéri le Pentagone. Ce sera sans la 3 D !!
L’acte final approche ! On le sent ! Dans la « situation room » le Président Obama suit les évènements en direct ! Il ne se déconnecte pas de l’écran ! Jamais les meilleurs westerns de John Ford ou de Henry Hataway n’auront généré une telle emprise sur son espace neurologique.
L’épilogue intervient ! Oussama sort de sa chambre, alerté par les coups de feu sporadiques et une odeur de soufre et de sang mêlés. Il sort de sa poche de pyjama un vieux Luger Parabellum (prépare la guerre, en latin) acheté dans une brocante de Kaboul pour abattre une ombre menaçante qui le pointe ! Trop tard ! Une balle lui traverse le crane ! Rideau !
- Opération Geronimo terminé, lance le sergent ! On rentre !! Hug !!
- Il nous manque un hélicoptère, gémit Ryan ! Il brûle !!
- On s’en fiche ! On grimpe dans ceux qui nous restent ! On savait qu’il allait nous lâcher ce gros bourdon de merde !! Il était amorti depuis longtemps !!
Les hélicoptères redécollent. Atterrissage sur le porte-avions américain Carl-Vinson qui croise non loin de là.
- Voilà la cible, lance laconiquement le sergent en désignant un gros sac plastique noir !
- Ok, on fait une cérémonie vite fait et puis, zou, chez les poissons !!
Le corps de Ben Laden est lavé puis placé dans un linceul blanc, lui même déposé dans un sac lesté. Un officier lit un texte religieux qu'un interprète traduit en arabe approximatif. Le corps est ensuite posé sur une planche. On bascule cette dernière. L’ennemi numéro un va définitivement disparaître dans l’océan.
Fred, le requin, a mal au ventre depuis qu’il a mangé quelques poissons bizarrement argentés qui formaient un joli ban près des côtes de Fukushima. Il s’est écarté de ce lieu malsain. Il a beaucoup nagé, beaucoup. Il a vomi ! A présent ça va mieux ! Soudain il voit chuter vers les abysses un grand sac blanc et son odorat ne le trompe pas ! Il y a de la bidoche à l’intérieur ! Une odeur reconnaissable entre toutes : celle de la chair humaine ! Il doit vite en profiter avant que la concurrence ne survienne !!
On ne retrouvera jamais le corps d’Oussama ! Qu’importe, le barbu s’est fait prélever un peu de sang ! On conserve le précieux liquide dans un flacon ! A défaut de tombeau ses amis d’Al Qaïda pourront vénérer la relique au cœur d’un mausolée troglodyte, à la suite d’un procès en satanisme.
On a les icônes que l’on mérite !!
En attendant le film n’est peut-être pas fini ! L’acteur principal doit déclarer forfait ! Qu’importe ! Les doublures, cascadeurs et autres seconds rôles sont là pour continuer le spectacle !!
Le théâtre des opérations va encore vivre des heures sanguinairement palpitantes…
Moussa les attend ces heures impitoyables. Les attentats c’est comme les séismes : il y a toujours des répliques. Moussa conduit la benne à ordures d’une ville qui a connu les attentats. Moussa est musulman mais ne comprend pas les extrémistes. Son meilleur ami en est mort. Moussa ne dort plus vraiment quand bien même on le serine de se reposer. Il est sous antidépresseurs. Aujourd’hui on lui a annoncé la nouvelle :
- Mène la benne et dors : Ben Laden est mort !!
Il a tout juste esquissé un sourire…