Selon le FMI, les pays africains connaissent une forte croissance, et bénéficient de la reprise du marché international des matières premières pour compenser la hausse des prix des denrées alimentaires importées.
« Les signes d’un raffermissement de l’économie mondiale, entraîné dans une large mesure par les pays en développement », tel est le diagnostic majeur qui ressort des assemblées de printemps FMI Banque mondiale qui se sont achevées le 17 avril à Washington. Un diagnostic mâtiné de réalisme, car les dirigeants de ces institutions financières internationales restent « préoccupés par le fait que la surchauffe dans certains secteurs, en particulier ceux des produits alimentaires et de l’énergie, exerce des pressions sur les prix et accroît leur volatilité, ce qui constitue une menace pour les pays en développement et notamment leurs populations les plus vulnérables ». Auparavant, la présentation de l’étude annuelle sur les perspectives de l’économie mondiale, a été l’occasion de confirmer que la sortie de crise se fait à vitesse variable selon les régions puisque que la reprise est moins vigoureuse dans les pays avancés tandis qu’en Afrique, on note des perspectives plus avantageuses.
Cette croissance en Afrique subsaharienne devrait rester élevée, grâce à la vigueur persistante de la demande intérieure et à l’augmentation de la demande mondiale de matières premières.
Tensions sociales et économiques
Les pays en développement, en particulier en Afrique subsaharienne, enregistrent donc une croissance rapide basée sur des fondamentaux durables, même si, selon ce rapport, la hausse des prix des denrées alimentaires et des matières premières constitue une menace pour les ménages pauvres et accentue les tensions sociales et économiques.
Parmi les pays qui peuvent espérer une certaine vigueur de la croissance, les asiatiques sont les plus dynamiques, suivis par les pays d’Afrique subsaharienne, alors que les pays d’Europe orientale ne font que commencer à enregistrer une croissance notable. Au nombre des facteurs qui stimulent cette reprise plus rapide sur le continent le plus pauvre, on peut noter la résistance à la crise, une sorte d’effet « bénéfique » de la faible intégration de l’Afrique noire à l’économie mondiale.
Si, en effet, la baisse de l’activité en Europe a freiné les exportations vers les principaux marchés occidentaux et asiatiques, certains secteurs comme la finance et les unités existantes du secondaire n’ont pas été particulièrement secoués. La reprise des commandes en Europe et en Amérique, ainsi que la hausse de la demande des pays émergents a donc favorisé une reprise rapide sur le continent, ce qui se répercute favorablement au Cameroun. Tout ceci augure, selon le FMI, « de performances plus appréciables ».
L’Afrique subsaharienne pourrait atteindre 6% de croissance l’année prochaine, après 5,5% cette année. Cette croissance en Afrique subsaharienne devrait rester élevée, grâce à la vigueur persistante de la demande intérieure et à l’augmentation de la demande mondiale de matières premières. Les entrées de capitaux n’ont pas encore vraiment repris partout sur le continent, certains pays pourraient déjà espérer une croissance plus vigoureuse cette année et au delà. Les pays importateurs de produits alimentaires bénéficient du bouclier naturel de leurs exportations de métaux, de pétrole ou d’autres matières premières, par exemple la banane, le café, le cacao et le coton pour le cas du Cameroun. Selon le FMI, la hausse des prix alimentaires et du niveau général des prix ne se sont guère modifiés en Afrique subsaharienne, où de nombreux pays sont moins intégrés aux marchés mondiaux et ont bénéficié de récoltes relativement abondantes au cours des douze derniers mois. « Les prix de quelques denrées de base, telles que le maïs, sont donc restés relativement stables dans une bonne partie de la région, ce qui montre que les cours mondiaux ne sont qu’un des facteurs qui déterminent la hausse locale des prix alimentaires. »
Globalement, dans une bonne partie de l’Amérique latine et de l’Asie, ainsi que dans les pays à faible revenu d’Afrique subsaharienne, la reprise a ramené la production aux sommets d’avant la crise et bon nombre de pays sont déjà en phase d’expansion. L’activité dans ces pays est dynamisée par des politiques macroéconomiques accommodantes, par la hausse des exportations et des cours des matières premières, ainsi que, dans plusieurs pays, par des entrées de capitaux.
L’effet induit des bonnes récoltes en Afrique subsaharienne
Il est même possible que la période post crise soit plus avantageuse pour le continent noir, notamment du fait de la forte demande des matières premières. Selon Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI, le fait que la demande mondiale de matières premières ait été plus forte que prévu « a réduit les stocks et a provoqué une hausse des prix vigoureuse, soutenue et généralisée. L’indice des prix des matières premières du FMI a progressé de 32% entre le milieu de 2010 et février 2011 – récupérant environ trois-quarts de la baisse de 55% observée entre le sommet cyclique de juillet 2008 et le début de 2009. Les prix de l’alimentation sont proches de leurs niveaux record de 2008. Heureusement, de bonnes récoltes en Afrique subsaharienne ont offert une certaine protection à certains des plus démunis». Toutefois, tempère Dominique Strauss Kahn, dans le cadre du groupe consultatif africain, il faut rester prudent et vigilant. Car, recommande-t-il, dans les pays où les marges de manœuvre budgétaires sont particulièrement restreintes, il pourrait être nécessaire d’accroître la mobilisation des recettes et de redéfinir les priorités de dépense et surtout éviter un forte tendance à la régulation étatique des marchés : «La politique monétaire ne doit pas chercher à contrer l’effet immédiat de la hausse des prix internationaux des produits alimentaires et pétroliers, mais les banques centrales devraient s’efforcer d’empêcher que celle-ci ait un effet plus persistant sur l’inflation intérieure. Les actions de la Banque centrale doivent être menées de front avec la poursuite de politiques salariales prudentes dans le secteur public. Les contrôles de prix aggravant les pénuries et les interdictions d’exportation diminuant les incitations des producteurs nationaux, il est important d’éviter ces mesures », suggère le directeur général du FMI.
Plus de peur que de mal en Europe
En Europe, la crise devrait se poursuivre dans les pays qui ne se reforment pas assez vite, même si la deuxième détente de la récession, redoutée par les experts, n’a pas eu lieu. Selon Olivier Blanchard d’aucuns craignaient surtout qu’après une phase initiale de reprise tirée par le cycle des stocks et la relance budgétaire, la croissance ne s’essouffle dans les pays avancés. Aujourd’hui, rassure-t-il, le cycle des stocks est largement achevé et la relance ayant bien fonctionné, les Etats sont au stade du rééquilibrage budgétaire. Mais c’est pour l’essentiel la demande privée qui mène la danse. M. Blanchard indique que désormais, « les craintes se sont tournées vers les cours des matières premières. Ceux-ci ont augmenté beaucoup plus que prévu, sous l’effet combiné d’une forte progression de la demande et de perturbations de l’offre. Cette hausse des cours fait renaître le spectre de la stagflation des années 70, mais ne risque guère, semble-t-il, de faire capoter la reprise ».
FRANÇOIS BAMBOU, envoyé spécial à Washington DC