Je ne pense pas qu’en arrivant, par miracle, au pouvoir, Barack Obama, ne connaissait pas les limites des prérogatives qui seront les siennes, une fois devenu le Président de la plus grande puissance du Monde. Ni qu’il ignorait le fait qu’en tant que locataire de la Maison Blanche, il sera obligé un jour, de « présenter ses papiers » pour « vérification d’identité » aux électeurs d’un pays dont il est déjà le Président depuis plus de trois ans. Moins humiliant, peut-être, que ne l’était l’obligation pour Bill Clinton de comparaitre, devant le monde entier, face à un Juge Invisible qui l’obligeait à rendre compte, dans les détails, de son aventure avec Monika Lewinski.
Je ne pense pas non plus que le fameux « Yes We Can » du candidat Obama, relevait d’un optimisme béat et non pas d’une compréhension profonde de la réalité américaine complexe. Peut-être même, à cause du simplisme évident d’un peuple dont les fondements messianiques de l’Etat auquel s’identifient toutes les ethnies qui le composent, le rendent « manipulable » à merci. Un messianisme dont on oublie souvent les origines protestantes qui le transforment en pragmatisme créateur de richesses et dont les individus « isolés » qui le pratiquent se sentent les représentants de l’ensemble de l’Humanité. Conformément à « l’Utopisme réaliste » des Pères Fondateurs.
Je ne crois pas aussi qu’au nom de ces valeurs auxquelles il avait tenu à rendre hommage dans son discours d’investiture, il n’ait pas été sincèrement tenté de libérer son pays de cette volonté de domination vers laquelle a été détourné le message libérateur de la Révolution américaine, sous l’emprise d’entreprises occultes sur fond de messianisme sectaire et peu soucieux de liberté de l’autre et de sa dignité.
Je suppose, et je ne peux que supposer, qu’il s’était rendu compte de l’étendue réelle du pouvoir dont dispose les adeptes du messianisme sioniste dans un pays dont il n’est que le Président. En authentique américain pragmatiste, il ne pouvait se laisser « piéger » par l’idée de réaliser un programme d’action tracé d’avance et que ses adversaires ne peuvent que combattre par tous les moyens aussi bien visibles qu’invisibles dont ils disposent.
Je suppose aussi qu’en ce qui concerne la question palestinienne, il est aussi bien édifié que ne l’était Yasser Arafat, sur les véritables intentions annexionnistes de l’Etat d’Israël et qu’en prenant acte du refus de geler symboliquement la colonisation rampante de La Cisjordanie que lui a ostentatoirement signifié Benjamin Netanyahou, il ne s’est pas senti, outre mesure « offusqué ». Doué, comme on le dit, d’une intelligence exceptionnelle, il sait distinguer la différence entre l’orgueil et la dignité. Surtout lorsqu’on est Chef d’Etat.
Mais je suppose également qu’en bon « résistant », il a fini par comprendre que l’arrogance d’Israël est fondée non pas sur sa force militaire ou politique seulement mais surtout dans la faiblesse objective de ses voisins Arabes dont les régimes lui sont inféodés et les peuples totalement aliénés par les « idéologies libératrices » de toutes sortes: Arabismes, Islamismes et révolutionnarismes de tous poils et dont l’échec historique fait sombrer leurs adeptes dans un état de léthargie que d’aucuns ont fini par nous faire croire que cela participait d’une « mentalité spécifique aux Arabes ».
Plus que quiconque, et du magnifique observatoire dont il dispose, il a pu se rendre compte qu’un Israël face à des régimes arabes démocratiques serait moins arrogant et donc plus à même d’être amené à composition avec les Palestiniens. D’où l’on comprend l’expression de satisfaction, presque ostentatoire, qu’il n’a pu dissimuler en cette matinée du 14 Janvier 2011, au moment où, tard dans l’après-midi, Ben Ali prenait la fuite, en se laissant embarquer pour la Saoudie. Cette joie, il ne pourra pas continuer à l’afficher, lorsqu’est venu le tour d’alliés plus importants d’Israël. Moubarak n’étant pas un simple agent du Mossad, mais un allié puissant et Kadhafi, quant à lui, les événements le révèleront comme ayant pour priorité absolue la protection de l’Etat sioniste au détriment des peuples arabes. La continuation du soutien d’Obama aux peuples arabes devra donc se faire plus discrète et « visiblement » hésitante pour ne pas se laisser lire, par les électeurs américains comme ne tenant pas compte des intérêts particuliers de l’Amérique.
Mais l’un des points les plus importants qu’il aura marqué contre le puissant Netanyahou, en plus des révolutions tunisiennes et égyptiennes sera certainement le fait d’avoir « définitivement tué » Bin Laden, privant Israël de son allié objectif le plus remarquable et l’Amérique de la droite républicaine de son épouvantail préféré, dans la manipulation de l’opinion publique américaine. Tout en se payant le luxe de se faire passer pour « un Bush qui a réussi » et de prétendre « légitimement » au titre de Rassembleur.
Quant à son attitude, voulue ambigüe, à l’égard des autres révolutions arabes non encore abouties, elle ne peut que désigner, en filigrane, l’importance qu’occupe Kadhafi dans l’échiquier israélien, l’incertitude qui pourrait planer sur la capacité du Yémen à accéder à l’âge démocratique et le rôle que joue le régime syrien dans le maintien du statu quo favorable à Israël. Alors il laisse faire les peuples, tout en se faisant passer pour le continuateur de Bush.
N’étant que le Président de l’Etat le plus puissant de la planète, il n’a d’autres choix que de faire de la « résistance ». Car tout affrontement direct se résoudra nécessairement à ses dépens et à ceux des nobles causes qu’il s’estime défendre.
Les peuples arabes devraient l’aider, sans le prendre pour ce qu’il n’est pas : Le Président tout puissant de la plus grande puissance à l’échelle mondiale.
Naceur Ben Cheikh