Aide à la presse: Une goûte d'eau dans l'océan

Publié le 03 mai 2011 par 237online @237online

Écrit par Mutations   


La plupart des responsables de presse décrient la modicité du montant mis à leur disposition et les conditions de son octroi.En août 2009, le tout nouveau ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary à mis le feu au poudres. En visite officielle à Paris, dans une interview accordée à nos confrères de «Le messager», il a lancé, évoquant le sujet : «Elle est une autre aberration \[…] Il n’y a qu’à regarder ce qui se fait sous d’autres cieux africains. Au Sénégal, au Burkina, au Bénin ou encore en Côte d’Ivoire les montants sont plus élevés. C’est une honte pour le Cameroun d’avoir une aide publique à la presse privée de l’ordre de 150 millions Fcfa » a-t-il lancé avant de modérer son propos : «Mais il est aussi vrai que dans ces pays, la presse privée semble plus responsable.
Comment voulez-vous qu’un gouvernement subventionne une presse qui ne voit que tout en noir? »
Quelques mois plus tard, 103 structures privées de communication ont été appelées à recevoir cette « aide ». Dans la plupart des cas, ces sommes remises au titre de l’aide à la communication privée n’excédaient pas le million et demi. Ce qui fait sortir Séverin Tchounkeu, le directeur de publication de la Nouvelle Expression de ses gongs. Selon ce dernier dans la forme actuelle, l’aide à la communication privée est tout simplement «ridicule ». D’après le Dp qui n’a perçu l’aide qu’une fois il y a cinq ans (environ 750.000FCfa), il est inadmissible que dans les pays comme le Gabon «l’aide soit de un milliard et demi de Fcfa et, au Cameroun, elle tourne dans les 150 millions de Fcfa que l’on distribue au petit bonheur la chance. Cette aide, dans sa formule actuelle permet à peine de régler une facture à la fin du mois pour ce qui est de la presse écrite où j’exerce».
Un avis que partage Parfait Siki de l’hebdomadaire «Repères» pour qui, «on peut se passer \[de cette aide]». Il affirme en effet qu’elle ne «représente, dans notre budget qu’une goûte d’eau dans la mer. Nous avons déjà respectivement reçu 800.000FCfa et un million de Fcfa ; mais cela aide à peine à couvrir les frais d’impression pour deux éditions du journal ou à payer un mois de salaires quand on sait que notre masse salariale est d’environ 2 millions de Fcfa par mois. Cette aide gagnerait à être repensée», souligne le directeur de la rédaction de l’hebdomadaire.
Charles Biholong, directeur de l’imprimerie GV-Graf, estime pour sa part que, bien qu’elle soit réduite, l’aide est «déjà quelque chose. J’y ai bénéficié deux fois à hauteur de 900.000FCfa à chaque fois. Cela m’a juste permis d’assurer la maintenance d’une machine à chaque fois» témoigne-t-il avant de poursuivre : «pour que cette aide soit efficiente, on gagnerait à clarifier les quota de répartition de cette aide. Dans le domaine de l’impression, à titre d’exemple, il y a des imprimerie qui n’interviennent aucunement dans l’impression des journaux qui se retrouvent avec des subventions bien plus importantes que celles qui y sont au quotidien».
Méthodes
C’est que, depuis son instauration le 23 septembre 2002, l’aide publique à la presse qui a par la suite été reconvertie en aide à la communication privée est au centre de nombreuses critiques, quant à sa mise en oeuvre. Passée de 150 millions à 250 millions en 2008, elle tarde encore à jouer le rôle qui lui a été dédié à l’origine.
Selon Haman Mana, “il faut repréciser les choses. C’est l’aide à la presse et non l’aide à la communication. Les agences et autres associations ne devraient rien y avoir.vu le développement du Cameroun, on devrait avoir une dotation d’au moins un milliard.”
Alors que Joseph Mvoto Obounou le directeur du développement des médias privés et de la publicité, est régulièrement accusé par les directeurs de publications et autres responsables de média et structures de communication, d’organiser le flou autour de la distribution, ce dernier annonce qu’un ensemble de dispositions seront prises pour s’assurer que les fonds mis à la disposition des patrons de presse puissent être utilisés à leurs destinations initiales.
Des mesures qui précisent-ils, peuvent partir de la simple action administrative jusqu’à une action judiciaire.
Pour Alain Blaise Batongue, directeur de publications du quotidien Mutations, la façon camerounaise d’octroyer l’aide pèche en trois points : «le champ d’action qui est trop ouvert et ne garantit pas une opérationnalité efficace, le montant dérisoire qui, bien qu’il soit passé de 150 millions de Fcfa en 2004 à 250 millions de Fcfa en 2008 reste insignifiant ».
Si on veut efficacement donner un coup de main à la presse privée qui «joue également une mission de service public, pense-t-il, il faut pouvoir augmenter le coût de l’aide. Quand on donne deux millions de francs à une rédaction, ça ne représente rien du tout», estime-t-il avant d’évoquer le troisième point sur lequel pèche le modèle d’aide octroyé au Cameroun : «le mode et la forme d’attribution. 80% des journaux qui en bénéficient ne paraissent pas régulièrement. On remet de l’argent en espèce sans évaluer les besoins de ces journaux». Du coup, affirme-t-il, l’aide est entièrement à repenser.