La loi HPST, Hôpital Patient Santé Territoires, de 2009 a réformé le gouvernement de l’hôpital et a largement renforcé les pouvoirs du directeur. L’objectif avoué était alors de doter
l’établissement d’un vrai « patron » seul maître à bord. Cette concentration des pouvoirs entre les mains du directeur, et son corollaire, le recul des compétences du conseil d’administration où
siégeaient notamment des élus locaux (transformé en simple conseil de surveillance) font craindre la progression d’une logique purement comptable, sans contre-pouvoirs, où les grands arbitrages
seraient rendus en fonction du seul impératif économique : le retour à l’équilibre budgétaire. Tout cela dans le mépris de la logique soignante et de l’avis des médecins dont le principal organe
représentatif, la Commission Médicale d’Etablissement, se voit amputer de nombreuses prérogatives et ne conserve qu’un rôle consultatif.
La logique comptable est toujours un biais réducteur. Mais c’est surtout ici un biais dangereux pour l’égalité d’accès aux soins en France. En réduisant les effectifs de manière drastique, en
augmentant la pression budgétaire sur l’hôpital public, en augmentant la part à charge pour l’usager, en conjuguant une Tarification à l’activité (T2A) et une convergence des tarifs
publics-privés, le gouvernement s’engage dans une mécanique d’étranglement du service public hospitalier qui met en danger l’égalité d’accès aux soins, la vie des patients même, et ouvre de
juteuses perspectives pour les opérateurs privés.
Depuis 2008, La tarification à l’activité (T2A) à 100%, sensée éradiquer les gaspillages engendrés par le financement en dotation globale, était déjà porteuse de nombreux effets pervers : elle
induit notamment le concept de pathologie rentable et donc celle de patient rentable. Elle encourage implicitement une sélection des patients et les comportements opportunistes. Les hôpitaux
ayant tout intérêt à multiplier les actes fortement rémunérés, cette logique est porteuse d’une logique inflationniste qui rend son efficacité dans la maitrise du budget hospitalier largement
contestable.
Avec la convergence des tarifs public-privé, prévue à l’horizon 2018, l’idée est qu’un même acte soit financé à même hauteur dans le privé et dans le public. Cette convergence tarifaire aura des
conséquences catastrophiques pour l’hôpital public. Elle signifie concrètement que les missions du service public hospitalier : l’accueil d’une patientèle précaire, la présence d’un service
d’urgence, la nécessité d’avoir une large gamme d’activité (y compris celles « non rentables » au sens de la T2A), l’obligation universitaire de formation et de recherche ; ne sont pas reconnues
et ne seront plus financées.
L’Hôpital public se retrouve alors dans une situation intenable, coincé entre ses obligations de service public et un sous-financement chronique. Cette convergence inaugure une mise en
concurrence absolument déloyale entre un service public asphyxié et dégradé et un secteur privé libéré de toute obligation en matière de prise en charge, qui peut, à loisirs, se spécialiser sur
les activités les plus rentables et sélectionner ses patients en pratiquant des prix prohibitifs.
Or, en matière de santé, Public et Privé ne font tout simplement pas les mêmes métiers. À ce titre, le discours consistant à pointer la grande efficacité du privé comparée aux prétendues
contre-performances du public est injustifiable : le service public hospitalier accueille toute personne, quels que soient ses moyens, il traite les cas les plus graves avec une obligation de
continuité des soins, il assure 80% des urgences, il prend en charge la recherche médicale et forme les médecins et infirmiers de demain. Tout cela a un coût. Ne pas le reconnaître est au mieux
irresponsable au pire hypocrite.
Derrière le voile de la lutte contre les déficits et par le biais de mesures techniques complexes, inintelligibles pour le grand public, c’est la marchandisation de notre société qui
avance à grands pas. Face à cela nous voulons sortir la santé du domaine marchand. Notre rôle doit être de réaffirmer des lieux de solidarité, qui soient non-négociables : l’hôpital public est le
premier d’entre eux. Donnons-lui les moyens humains et financiers de remplir ses missions au premier rang desquelles figure : l’égal accès pour tous à des soins de qualité.
Source : MJS