Vu le 29/04/11
Une critique, parce que j'ai tripé grave...
(++)
Catherine Hardwicke qui s'attaque au Petit Chaperon Rouge - certainement l'une des fables recouvrant le plus de sous-entendus au pays des contes de fées - cela laissait présager du meilleur, et notamment d'une relecture plus adulte, plus sombre, à l'érotisme sous-jacent assumé. Passée maîtresse dans le traitement des multiples émois adolescents, Hardwicke avait, avec le Chaperon Rouge, de l'or en barre dans les mains pour se nous faire plaisir. Mais qu'en est-il au final, de cette adaptation dite "gothique" des aventures de la gamine en capuchon rouge?
Qui aime bien châtie bien, dit-on. Et comme j'ai beaucoup d'affection pour tout ce que bidouille Catherine Hardwicke, je vais me permettre d'être un rien mauvaise langue concernant son Chaperon Rouge, d'autant que ce petit trip perso recouvre sans nul doute un fond de vérité.
Si je voulais être médisante, donc, je dirais qu'avec ce Chaperon Rouge, Hardwicke a réalisé ici sa suite personnalisée de Twilight. Imaginons un peu... Frustrée de ne pas avoir l'occasion de porter à l'écran le reste de l'aventure et, surtout, de ne pas avoir la possibilité de mettre en scène la "consommation" de sa belle romance initié dans Twilight, chapitre 1, Hardwicke se tourne vers une histoire du même acabit, adaptable à un public d'adultes cette fois, qui regorge de détails similaires: une sombre forêt, peu de soleil, une midinette trop propre sur elle (Amanda Seyfried), un grand brun ténébreux (Shiloh Fernandez), un gringalet coincé romantique (Max Irons), une menace, des loups, du sang... De loin et sans lunettes, franchement, on n'y voit que du feu. Hardwicke reprend donc les mêmes ingrédients (grosso modo), et reboot son propre Twilight... en accélérant un peu le mouvement cette fois. Trêve de palabres murmurées d'un air timide, de serments faits sous hyperventilation, de lèvres effleurées (pas fait exprès). On passe la seconde, puis la troisième: le Chaperon Rouge se retrouve rapidement dans la paille (ah... les joies de la campagne...), tandis que le fanatisme religieux s'empare du village (pied de nez au puritanisme exacerbé de Twilight?), sur fond de panoramiques forestiers brumeux (déjà vu?). Bref, Hardwicke se lâche, sans oublier ses codes.
Bon, ça, c'était pour la petite parenthèse obligée au regard de la comparaison encouragée avec son précédent film (à succès). D'ici peu, vous allez croire que je n'ai pas aimé celui-là. Détrompez-vous.
Sans avoir été transportée d'enthousiasme, loin de là, le Chaperon Rouge est parvenu à me séduire, en partie du moins. Même si, au fur et à mesure de la projection, les grands espoirs que je fondais en ce film se désagrégeaient quelque peu, je n'ai pas non plus passé mon temps à panser mes attentes déçues. D'abord parce que, comme à son habitude, Hardwicke bosse très efficacement sur "l'enveloppe" de son projet. L'ambiance est soignée, un brin gothique, il est vrai, envoûtante avec ses chutes de neiges et ses nappes de brume, les crépuscules nébuleux distillant une atmosphère mystique teintée de macabre autour du village paumé en pleine forêt. Le tout part assez bien: une romance contrariée, un mariage arrangé, une bourgade dans laquelle on se regarde de travers, un loup sanguinaire... Tous les ingrédients sont réunis pour élaborer le parfait huis clos. Hardwicke fait souffler un vent de maturité sur le conte, en même temps qu'elle déchaîne les attractions/répulsions entre les êtres, son thème de prédilection. Toujours avec brio, elle exacerbe les éléments fondateurs du conte, en fait ressortir toutes les connotations charnelles, dans une vision plus adulte. Et puis, l'élément inédit, ce qui aurait dû pu être le trait de génie: l'initiation d'une véritable chasse aux sorcières par un prêtre fanatique (Gary Oldman, génial comme toujours) appelé à la rescousse pour chasser le garou, comme un substitut machiavélique du chasseur dans le conte original.
Dés lors, on bascule dans le fanatisme religieux, excessif, tyrannique, et la menace semble changer de bord. On se prend à être du côté du loup, cette bête qui tue pour le Chaperon Rouge. Pourquoi? Et surtout, qui? La recherche de son identité aurait dû être le jeu de piste central du film, Hardwicke brouillant les cartes subtilement, nous embrouillant l'esprit, nous insinuant le doute... Hélas, les fausses pistes, affreusement balisées, pleuvent, le bouc-émissaire est rapidement choisi et honteusement montré du doigt, et l'on se prend à se demander si la blondeur du Chaperon Rouge ne recouvre pas autre chose que de la candeur... de la stupidité peut-être? Bien vite, l'histoire reprend ce qu'elle avait promis, s'enlise dans une intrigue principale presque risible, presque trop "sage" au regard de son contexte, et le gothique de façade s'effrite, révélant une noirceur de pacotille. On est bien loin du glaçant mais merveilleusement sombre Sleepy Hollow, par exemple.
Ultime pirouette plutôt élégante et intelligente, le final, à la morale délicieusement immorale - après une révélation fadasse du pourquoi du comment - qui boucle la boucle du conte, ironiquement (: le chaperon succombe bel et bien au loup, finalement).
Une semi déception donc, pour ce conte que j'aurais souhaité plus saignant, plus sombre, plus intense, plus tortueux. Reste un récit plaisant, grâce à son atmosphère si particulière, sexy et somme toute plutôt ténébreux, qui réserve quelques belles surprises, ça et là. A l'image de son Twilight (le meilleur de la saga à ce jour), Hardwicke livre ici un film inégal, maladroit, mais terriblement attachant au demeurant. Ne serait-elle pas un peu sorcière elle-même? Allez, à quand la Belle au Bois Dormant, Kate?