Celui qui avait eu le courage d’annoncer un combat personnel très intime n’est plus. L’espoir lui a sans doute permis de vivre plus qu’on ne lui "prédisait".
Le 14 mars 2011, tous les
députés, quel que soit leur groupe politique, applaudirent avec émotion et joie le retour d’un des leurs, Patrick Roy, 53 ans, député socialiste depuis juin 2002 et maire de Denain, une commune d’une vingtaine de milliers d’habitants dans le Nord,
depuis mars 2008.
Patrick Roy était une personnalité atypique, dans le sens où il se moquait assez bien des convenances qu’on pouvait avoir, même parlementaire. Ce qui
lui faisait porter une veste ostensiblement rouge là où l’habitude voudrait faire porter des vêtements sombres, sobres, tristes, sérieux. Il n’hésitait pas non plus à houspiller les différents
ministres UMP qui s’exprimaient à la tribune de l’Assemblée Nationale, se faisant d’ailleurs parfois remettre en place par le président de séance.
Enseignant, Patrick Roy s’était particulièrement impliqué au sein de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, et
notamment dans la discussion sur la loi Hadopi.
Le 15 mars 2011, Patrick Roy avait aussi durement critiqué le gouvernement contre sa politique de l’éducation : « Aider les enfants à acquérir goût et aptitudes, en mathématiques comme en langues, nécessite des enseignants formés. Alors que la formation
professionnelle est laminée, que les jeunes enseignants sont envoyés sans aucune expérience devant des classes à temps complet, les plans de ce type n’ont aucune crédibilité. La proposition du
ministre de créer des modules de formation en sciences serait risible si la situation des nouveaux enseignants et de leurs élèves n’était pas si tragique. Puisque le ministre semble si féru de
mathématiques, il doit encore savoir faire une règle de trois : 16 000 postes en moins et près de 60 000 élèves en plus, ce sont plus d’enfants par classe, moins de possibilité
pour les équipes de se concerter pour mener des projets pluridisciplinaires, moins d’attention à porter à chacun des élèves… ».
Très sensibilisé comme élu du Nord, Patrick Roy présidait le groupe d’étude sur l’amiante, un matériau isolant qui a engendré une
catastrophe sanitaire sans précédent (on parle de plusieurs centaines de milliers de décès sur la dizaine d’années à venir).
Il avait déposé très récemment (le 30 mars 2011) deux propositions de loi, une (n°3278) sur le mode d’attribution des fonds de réserve
parlementaire (un sujet très technique) et une autre (n°3277) plus "grand public" puisqu’il souhaitait obliger les compagnies aériennes à informer leurs passagers systématiquement dans la langue
du pays où décollent et atterrissent leurs avions.
Le 7 octobre 2009, il avait cosigné une proposition de loi (n°1960) de Jean-Marc Ayrault (député-maire de Nantes et président de son
groupe politique) sur le « droit de finir sa vie dans la dignité », un
texte qui avait relancé (comme c’est le cas périodiquement) le débat sur
l’euthanasie.
Son acte le plus médiatique et sans doute le plus courageux a été beaucoup plus personnel. Ce 14 mars 2011, dans l’hémicycle, il avait été
accueilli presque comme un héros. Maigre, les traits tirés, il avait cru avoir réchappé au cataclysme personnel qui mine de nombreux contemporains.
En novembre 2010, Patrick Roy avait osé rendre public sa maladie, un cancer du pancréas. Les médecins lui "prédirent" qu’il ne lui
resterait que quelques semaines à vivre. Malgré tout, il réussit à s'accrocher, à vivre, à durer et en février, il était en "rémission". Il a pu ainsi participer à quelques émissions médiatiques
pour expliquer son mal, sa maladie et presque sourire en coin, pour ironsier sur les "condamnations" toujours un peu maladroites de la médecine.
La maladie a hélas gagné le combat ce matin, mardi 3 mai 2011.
Ses dernières interventions de parlementaire avaient eu lieu le mercredi 6 avril 2011, lors de la séance des questions au gouvernement et
ensuite, lors de la discussion de la deuxième lecture de la loi sur la réforme de la garde à vue.
Dans ses vœux pour l’année 2011, il avait voulu prendre un peu de recul : « Dans l’épreuve difficile que je traverse actuellement, je pense avant tout à ceux qui souffrent encore plus et qui, peut-être, ont perdu
l’espoir ». Lui n’avait visiblement pas perdu espoir et cela l’a sans doute aidé dans son combat. Puisse cet espoir lui
survivre.
C’est Marie-Claude Marchand, sa suppléante, qui remplira le mandat de Patrick Roy jusqu’à la fin de la législature, en juin
2012.
Condoléances à sa famille et à ses proches.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (3 mai 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Une loi pour l’euthanasie ?
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/hommage-a-patrick-roy-un-93267