LES ENFANTS DU VIDE.
Bien que je me garde d'être piégé par lui
Je ne peux pas m'empêcher d'admirer
La prodigalité et l'ingéniosité
Du vide qui jamais ne laisse sur leur faim
Ses adeptes, trésors de générosité
Se donne sans compter, vide qui jamais n'est
Avare de ses dons, multiplie ses fragrances
Ses saveurs et ses noms pour mieux se faire aimer
Qui peut prendre à l'envi toutes les apparences
Mais jamais ne livre le secret de son essence
De même, s'il m'est permis de le dire à voix haute,
Quelle stupéfiante imagination dans le mal
Quand la bonté décline en eaux de bénitiers
Dans la fadeur sucrée des eunuques missels
Pourquoi dans le partage est-il tant de tiédeur ?
Quelle fabuleuse intensité dans le Détruire
Qui donc interdit à la Bonté ces sommets
Que nous ne la voulions qu'avec circonspection ,
Le tabou du bonheur entrave nos chevilles
Et le désir de croître harmonieusement
Tout reste à inventer ; la Joie n'est pas moderne
On rigole à foison, mais personne ne rit
On crée des enthousiasmes illusoires, éphémères
Pourquoi si ce n'est en vue de nous asservir
Aux atroces idoles que nous avions cru fuir ?
Si le Vide et le Mal ont plus de séduction
À mes yeux que l'idée dénaturée du Bien
C'est que leurs praticiens inventent, créent, innovent
Tandis que la Bonté contemple son miroir
Et vaniteuse attends les applaudissements
Que la droiture puisse être aussi épée de feu
Que le Bien devienne ascèse et combat
Lutte interne et non poids pesant d'une vision
Qui soumet à ses voies de glorieux infidèles
Et les repères éclatent et nous sommes perdus
Oublier tout ce que nous avons cru connaître
De ce mot le réinventer dans les entrailles
À mille espace-temps d'anémiques concepts
Est un travail auquel je vous invite frères
Sans lequel modifier le monde en sa structure
Demeure à tout jamais impossible utopie