On grandit la peur au ventre. Les enfants voient des monstres partout. Je ne sais pas vous, mais moi j'essaie de ne pas tout prendre cash. Mais c'est difficile. Nous traversons une plaine arrosée d'une pluie de projectiles. La plupart sont inoffensifs, mais un marketing bien acéré nous rappelle la possibilité de l'horreur. Parce que la peur, c'est bon pour les affaires. La peur fait vendre. La peur anesthésie le discernement. La peur pousse les masses vers les hommes forts, les hommes armés. La plupart des êtres humains sont des trouillards. Même si on a passé toute une vie à regarder des films qui glorifient le courage et les actes heroïques. Dans une situation de danger réel, on a surtout peur d'être frappés, insultés, volés, humiliés. On devient très pâles, très nerveux et très pétrifiés. C'est pourquoi les couards sont très sensibles aux paroles des hommes forts. Ces derniers leur promettent sécurité et protection. Ils déploieront des armées de policiers et promulgueront des tas de décrets. Grâce à eux, les bienheureux citoyens qui paient leurs impôts pourront dormir tranquilles. Le plus important, ces citoyens - lâches par nature, qu'on ne le perde pas de vue; que personne ne s'exclue; je ne m'exclue pas non plus de cette éventualité de bassesse - n'auront pas à se salir les mains. Les descentes de police, les gardes à vue, les camps de rétention, les reconduites à la frontière... tout se fera avec la discrétion la plus parfaite, de sorte que les honnêtes gens pourront continuer à gérer leurs vies et leurs comptes en banque en bons pères de famille.
Alors surtout ne changez rien dans votre mode de vie. N'ouvrez pas la porte de vos tendres compassions aux miséreux qui toquent à la fenêtre, frigorifiés et en guenilles. Qu'ils rentrent chez eux!
Continuez à profiter de la vie et de votre position de privilégiés. De temps en temps, versez une larme en voyant un film bien engagé et militant.