On arrive doucement au milieu de l’année et ce serait dommage de se relâcher maintenant : je sens déjà certains zélotes de l’état omniscient et omniprésent ralentir la cadence, et à ceux-là, je dis : « Du nerf, messieurs ! Tout n’est pas encore régulé ! Tout n’est pas encore quantifié, certifié conforme, autorisé dans les règles de l’art ! » D’un autre côté, je note aussi, rassuré, que d’autres sociopathes ulcérés de la liberté des autres sont passés en mode overdrive et compensent plus que largement le petit coup de mou des premiers. Ouf.
Et si vous imaginez que cette fièvre destructrice de libertés insupportables est cantonnée à la France, détrompez-vous ! Grâce au travail acharné de milliers de socialistes obtus de par le monde, de douzaines de petits jaloux de la liberté des autres de faire des choses qu’eux-mêmes désapprouvent, ne comprennent pas ou n’arrivent pas à réaliser, grâce à eux, partout sur ce vaste globe, la liberté recule gentiment au profit d’un nombre toujours plus restreint de personnes.
Pour justifier leurs exactions, elles nous expliquent bien sûr détenir la bonne dose de science et de bon sens qui font que leurs décisions, sans appel, sont justes et bonnes. Et pour l’impression de se faire gentiment fouetter à coup d’orties, ce n’est qu’un mauvais moment à passer, continuent-elles de nous dire, même si, années après années, la sensation ne s’est pas estompée et qu’elle a même furieusement tendance à s’aggraver…
Prenez les Etats-Unis. C’est pratique, c’est un pays que les abrutis moyens et les trolls un peu baveux utilisent systématiquement (et sans imagination) pour expliquer pourquoi le libéralisme, c’est moche. Dans l’iconographie troll & collectiviste, coincés qu’ils sont dans une vision sépia des années 70 qu’ils n’ont du reste jamais quittée, les States, c’est en effet le pays de la liberté et de Easy Rider. En pratique, c’est surtout un pays qui fut jadis gouverné par un état restreint mais qui, de nos jours, n’a pas grand-chose à envier aux sociales-démocraties obèses et gangrenées qui peuplent l’Europe.
Ainsi, aux States, la puissante Food & Drugs Administration a mené une coûteuse enquête pour découvrir qu’un paysan Amish osait vendre du lait non pasteurisé à des américains du cru, qui en achetaient, dans le cadre d’un club d’achat de nourriture sans aucun traitement, en toute connaissance de cause. Scandale : ce lait n’est pas traité, il y a donc un risque ! C’est insupportable ! C’est … c’est … les mots me manquent pour décrire la violence du préjudice commis.
On pourrait s’amuser sur le mode « Ah, ces ‘ricains, toujours le mot pour rire ! » mais ce serait oublier qu’avec les instances européennes correspondantes à la FDA, on n’a pas vraiment de quoi se réjouir non plus.
On apprend en effet – douloureusement, il va de soi – que nos joyeuses autorités ont décidé ce qui était licite ou pas en matière de plantes dites médicinales. On sait déjà que, grâce à un lobbying efficace d’une certaine catégorie de population, suivie d’une fièvre réglementariste débouchant sur une législhorrée carabinée, les semences intéressantes doivent être toutes inscrites au Catalogue Officiel des Semences pour pouvoir être commercialisées, faute de quoi l’état utilisera toute sa puissance et sa détermination (ainsi qu’une bonne dose de l’impôt citoyen) pour vous écraser comme une punaise.
Eh bien il en ira dorénavant de façon équivalente avec les plantes médicinales : tout médicament ou toute potion basée sur des plantes médicinales devra tomber dans le cadre décrit par la loi, ou disparaître. Autrement dit, soit la plante est reconnue, et son dosage sera scrupuleusement établi pour ne pas altérer les facultés du consommateur, ce petit être chétif et proche de l’innocence enfantine qui caractérise les débiles légers et les électeurs passifs. Soit la plante n’est pas reconnue, et tout commerce dans la composition duquel elle rentre pourra se voir interdit et — bien sûr — son auteur poursuivi en justice. Attenter à la vie d’un consommateur, même lorsque celui-ci connaît la plante depuis des lustres, et sait de quoi il retourne, et se sent responsable de ses propres fesses, c’est forcément un crime de lèse-Etat.
Evidemment, on présentera ça comme une avancée majeure, du bisou gratuit distribué généreusement à celui qui en veut : si l’Europe n’était pas intervenue pour légiférer sur les petites plantes et les bouts de racine, cela aurait été une catastrophe sanitaire !
Car depuis quand les gens sauraient-ils manipuler les plantes qui les entourent pour faire des tisanes ? Depuis quand auraient-ils des relations ou des connaissances ou des amis qui leur indiqueraient de vieilles recettes, éventuellement étrangères ? De plus, même si de nombreuses années d’utilisation d’un produit attestent de son innocuité, ce serait tout de même un peu incroyable qu’on vous laisse faire sans une autorisation étatique préalable.
Non mais.
Pour qui vous prenez-vous ?
On vous a déjà donné le droit de vote, vous ne voudriez pas non plus qu’on vous laisse faire ce que vous voulez, aussi ? Et puis quoi encore ?
Et puis, tiens, tant que j’y pense, on pourrait se dire que l’Europe n’amène à la France que misères et pénibleries ? Bah, rassurez-vous : les thuriféraires zélés de l’Etat Français ne sont pas en reste : si vous avez l’idée totalement subversive de vouloir aider les jeunes mamans qui ne produisent pas assez de lait en mettant en place un site internet pour mettre en relation donneuses de lait et demandeuses de lait, eh bien là encore, vous faites preuve d’initiative et êtes, de facto, un gros lourdaud d’individualiste mal léché qui mérite la potence pour mise en danger de la vie d’autrui.
Organiser les dons de lait maternel par internet, c’est Le Mal puisque vous ne vous reposez pas sur la Force Publique pour garantir la santé de toute la chaîne, voyons ! Reposez-vous plutôt sur l’AFSSAPS, qui vous assurera, en cas de pépin majeur, une parfaite irresponsabilité et une médiocrité professionnelle remarquable, comme toute victime du Médiator©® pourra vous l’attester dans un râle d’agonie rassurant sur les capacités de nos administrations à faire correctement leur boulot.
Ah, vraiment, pas de doute : pour certains, rien de tel qu’une flopée d’interdictions pour redonner un vrai sens à leur vie. On ne se sent jamais plus utile, plus indispensable que lorsqu’on édicte ce qui peut ou ne peut pas être fait. On n’a jamais plus de pouvoir que lorsqu’on interdit à des gens qu’on n’a jamais vu de réaliser l’une ou l’autre action.
C’est formidable, quand on y pense, cette joie simple de pouvoir stériliser, à distance, toute envie de se lancer à l’aventure chez les autres, non ?