Mort de Ben Laden

Publié le 02 mai 2011 par Egea

La mort d’OBL apparaît comme une victoire, même si les choses sont bien évidemment plus compliquées qu’il n’y paraît.

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1/ Victoire symbolique, d’abord. L’attentat du 11 septembre avait sonné non comme un Pearl Harbour, mais en tout cas comme une victoire symbolique (et stratégique) de Ben Laden. En effet, d’une part il était parvenu à frapper le territoire américain, d'autre part et surtout à imposer la question de l’islam au coeur des préoccupations stratégiques des occidentaux. Et force est de constater qu’il avait réussi : c’est depuis Ben Laden qu’Huntington a eu du succès, que tout un chacun s’est posé la question du terrorisme, de l’islam, et que cela a figé énormément de choses, par exemple au Proche et au Moyen Orient. De même, deux guerres ont eu lieu à cause du 11 septembre….

2/ Mais le symbole est retourné. N’a-t-on pas entendu cette fameuse formule, prêtée aux talibans : « vous (Occidentaux) avez la montre, nous avons le temps » ? La mort de Ben Laden prouve que malgré les apparences, les Occidentaux sont capables de ténacité, d’encaisser des coups, et surtout de poursuivre leurs ennemis de leur ressentiment. On notera, avec Stéphane Taillat, qu’Obama mentionne un « justice est faite » qui résonne différemment du « mission accomplie » de GWB : mais l’intention demeure la même : on ne s'en laissera pas compter. Surtout, cela valide la stratégie du candidat Obama, qui dès le début a voulu coupler l’Afghanistan au Pakistan.

3/ Venons-en aux détails régionaux, entre la zone Asie centrale et Asie du sud. Tout d’abord, la question de la souveraineté du Pakistan : l’opération a été menée sans concertation avec Islamabad, ce qui pouvait poser quelques questions sur la légalité de l’action. On remarquera que très rapidement, les autorités pakistanaises ont justifié l’action (et le secret) conformément à un accord passé…. Cependant, on notera l’ambiguïté : B. Obama mentionne les autorités pakistanaises et l'aide qu'elles ont fourni, au départ (visiblement pour donner un renseignement : Il est important de noter que notre coopération dans l'antiterrorisme avec le Pakistan nous a aidé à parvenir à Ben Laden et au complexe dans lequel il se cachait) ; mais dans le même temps, les autorités pakistanaises n'ont pas été "mises dans la boucle" de l'opération, de façon à les préserver face à leur opinion publique.....

4/ C’est pourquoi il ne faut pas oublier le lien supposé entre le gouvernement pakistanais (et notamment l’ISI) et les talibans: il faut immédiatement comprendre une différence fondamentale, longtemps oubliée par les commentateurs : Al Qaida, ce n’est pas le Taleb. Autrement dit, s’il y a pu avoir une alliance de circonstance (années 1990) entre taleb et AQ, s’il y a pu avoir des convergences au cours de la décennie passée, les objectifs stratégiques des uns (talebs, tournés vers l’AfPak) et des autres (AQ, tourné vers le monde arabe) divergeaient. Cela explique que finalement, ISlamabad ait jugé possible de lâcher BL.

5/ Mais cette précision effectuée, on peut dans la foulée s’interroger : quand on considère le système fortifié d’Abbotabad (lieu paraît-il d’une académie militaire pakistanaise), on soupçonne aussitôt des complicités locales… C’est ici que la remarque indienne prend tout son sens : « le Pakistan demeure le centre du terrorisme ». Je ne veux pas la discuter, mais en partir pour montrer que la géopolitique reprend ici ses droits : quel est le cadre réel de ce conflit ?

  • s’agit-il du grand Moyen Orient, évoqué en son temps par les néo-cons, et qui relierait l’Afghanistan au Proche et au Moyen Orient, selon une lecture huntingtonienne ?
  • s’agit-il d’une Asie centrale, entre Russie et mers chaudes, entre Asie orientale (Chine, Inde) et Asie Occidentale (notre moyen orient) ?
  • s’agit-il enfin d’une Asie du sud, d’un monde indien élargi, d’un grand jeu qui se perpétuerait depuis près de deux siècles ?

Les trois lectures sont légitimes. La mort d’OBL doit dès lors être lue selon les trois angles de vues, les trois échelles. Elle signe peut-être la fin d’une lecture huntingtonienne, d’ailleurs engagée, à l’autre bout de « l’arc de crise », par les révolutions maghrébines et proches orientales….

De Tunis à Abbotabad, c’est une même page qui se tourne…..

Réf

  • Un billet d'il y a deux ans exactement....
  • sur l'histoire de la photofake, un billet d'un blog ami.... ce n'est pas parce que la photo trainait sur la toile depuis des années, qu'elle a été diffusée par la télé pakistanaise ce matin, que la mort de BL est un fake....
  • Le discours du président Obama

O. Kempf

CI-dessous, qq extraits du fil de l'AFP...

07H57 - Près d'Islamabad - Selon Barack Obama, c'est à Abbottabad, une ville située à une cinquantaine de kilomètres au nord de la capitale pakistanaise Islamabad, que Ben Lande a été tué, dans un complexe où il se cachait.

08H04 - "Sanctuaire" - L'Inde, puissance nucléaire rivale du Pakistan, estime que ses inquiétudes sont confortées. Pour le ministre de l'Intérieur P. Chidambaram, le Pakistan offre un "sanctuaire" aux terroristes. "Nous prenons note avec une grande inquiétude de la partie du communiqué dans laquelle le président Obama déclare que l'opération dans laquelle Oussama Ben Laden a été tué a eu lieu à Abbotabad profondément à l'intérieur du Pakistan".

09H29 - Pas au courant - Les Etats-Unis n'avaient pas prévenu les autorités pakistanaises de l'opération contre Oussama ben Laden et justifient la violation de la souveraineté pakistanaise par "l'obligation légale et morale d'agir". Le président pakistanais Asif Ali Zardari a convoqué une réunion d'urgence avec son Premier ministre et les chefs des forces de sécurité.

09H45 - Confirmation - Le Pakistan confirme qu'Oussama ben Laden a été tué au cours d'une opération menée "directement" par les forces américaines sur son sol conformément à l'engagement de Washington de le tuer ou le capturer n'importe où dans le monde. Islamabad parle de "revers majeur" pour le terrorisme dans le monde.

09H53 - Les services de renseignements régionaux ou occidentaux ont longtemps estimé qu'il se cachait dans la zone bordant la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan.

11H15 - Pas de successeur - Pour le juge antiterroriste Marc Trévidic, c'est un coup dur pour l'appellation Al-Qaïda. Selon lui, personne n'est capable de fédérer idéologiquement comme ben Laden des groupes très disparates. Parralèlement, le magistrat n'exclut pas des actions terroristes de personnes isolées en réaction à sa disparition.

11H45 - Murs et barbelés - C'est en août 2010 que le "complexe d'Abbottabad", à une cinquantaine de kilomètres seulement de la capitale pakistanaise, est identifié comme la résidence d'un proche de ben Laden. "Quand nous avons vu le complexe (...), nous avons eu un choc", confie un haut responsable américain. Occupant un vaste terrain, il est "huit fois plus grand que les autres maisons du quartier". Les mesures de sécurité? "Extraordinaires", selon lui. Des murs s'élèvent jusqu'à 5,5 mètres et sont surmontés de barbelés, l'accès n'est possible que par "deux portails sécurisés".

13H10 - Soupçons - La présence de ben Laden dans une coquette ville-garnison à deux heures de route d'Islamabad entretient le doute sur la réalité de la lutte du Pakistan face à al-Qaïda. De hauts responsables américains accusent régulièrement l'appareil militaire et le renseignement pakistanais de jouer "double-jeu" avec les islamistes. "Abbottabad est une ville de garnison, avec une Académie militaire. Les gens vont se demander comment ils (Ben Laden et sa suite: ndlr) ont fait pour se retrouver là", souligne le journaliste pakistanais Rahimullah Yusufzaï, l'un des meilleurs connaisseurs des talibans et d'al-Qaïda.

15H00 - Dépouille immergée - Des responsables américains le confirment: le corps du chef d'al-Qaïda a bien été immergé en mer. "Nous nous assurons que son corps est traité en accord avec la pratique et la tradition musulmane. C'est quelque chose que nous prenons très au sérieux", avait auparavant affirmé un membre de l'administration Obama.

18H02 - "On l'a eu !" - A l'image du gros titre du tabloïde New York Post, la presse américaine jubile. Radical, le New York Daily News, barre sa Une d'un "va brûler en Enfer!" en lettres capitales géantes sur une photo de Ben Laden Pour ceux qui ont eu le temps de rédiger un éditorial, les commentaires cherchaient plutôt à modérer la joie, en rappelant que la disparition de l'homme n'était pas synonyme de la fin d'Al-Qaïda."Al-Qaïda n'est pas mort, d'autres groupes extrémistes vont apparaître", met en garde le Boston Globe.

18H52 - Coopératif - La "coopération" du Pakistan aux efforts américains contre Al-Qaïda a aidé les Etats-Unis à localiser Oussama Ben Laden, affirme la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton.

19H20 - 95% puis 100% - La comparaison de photos du corps du chef d'Al-Qaïda avec d'anciennes photos a "permis de déterminer avec 95% de certitude que le corps était bien celui d'Oussama Ben Laden", indique un responsable du renseignement. "Finalement, ce matin, la CIA et d'autres spécialistes ont mené une première analyse ADN qui a montré une correspondance à près de 100% entre le code génétique du corps du défunt et celui de plusieurs membres de la famille Ben Laden".