Chaque jour j’y pense. Chaque jour, à un moment ou à un autre, quelque chose va m’amener à en rêver. The Tree of Life. On dit souvent que l’attente d’un film peut être meilleure que le film en lui-même. J’espère que cela ne sera pas le cas avec le nouveau film de Terrence Malick. J’écris cela comme si je le craignais vraiment, comme si le doute était quelque part dans un recoin de mon esprit. Pourtant il n’y est pas. Je n’attends pas dans le doute. Je n’attends pas, fiévreux d’anxiété, à me demander « Et si ce n’était pas un grand film ? ». J’attends passionnément, avec sérénité.
La passion peut être traîtresse. Elle peut envoyer les attentes crever les plafonds et forcer un film à décevoir. Elle peut écarter d’une gifle l’objectivité et nous gonfler d’aprioris positifs nous aveuglant. Voilà cinq ans que j’attends The Tree of Life. J’ai d’abord attendu le prochain Terrence Malick, une fois que la beauté du Nouveau Monde est passée sous mes yeux. Puis j’ai attendu plus précisément ce mystérieux Arbre de Vie, plus mystérieux qu’aucun film de Malick jusqu’ici. J’ai attendu patiemment, comme il est coutume d’attendre les films de Terrence Malick. J’ai vu Heath Ledger mourir, et avec lui la possibilité de voir ce grand acteur en devenir tourner dans Tree of Life comme il avait été un temps annoncé. J’ai vu Sean Penn monter à bord, une décennie après La Ligne Rouge, puis Brad Pitt le rejoindre.
J’ai guetté les révélations minimes, les interrogations et les spéculations. The Tree of Life brasserait le monde et l’univers, l’apparition de la vie sur Terre, l’évolution, l’infini et au-delà. Tree of Life serait le 2001 de Malick. J’ai guetté les photos de tournage, il y a plusieurs années maintenant. 2008 c’était hier, cela semble pourtant une éternité. 2009 est arrivé, et les premiers espoirs d’images, d’une bande-annonce, d’une sortie. Les premières rumeurs cannoises. Rien. Un an plus tard, au printemps 2010, mon attente n’avait pas faiblie, tout comme le mystère entourant le film. Rumeurs cannoises, rumeurs de sortie en salles, mais non. Les mois ont continué à passer.
Et puis une bande-annonce est arrivée. Le voile a commencé à se désépaissir en même temps que le mystère se confirmait. Brad Pitt en père de famille dans les années 50, son fils perdu devant les exigences de son père… et Sean Penn, ce même fils devenu adulte quelques décennies plus tard. Mais ce n’est pas tout. Des images de l’espace, de l’univers, de planètes et d’étoiles… Tree of Life ne sera certainement pas qu’un drame familial. L’ambition transpire du peu que l’on sait du film de Malick. La poésie se dessine entre les plans et les répliques entendues. "There are two ways through life. The way of nature, and the way of grace. You have to choose which one you will follow".
Cette bande-annonce, je l’ai regardée plus d’une fois sur Internet. J’ai laissé sa magie opérer sur moi, comme il y a plus de douze ans celle de La ligne rouge et il y a six ans celle du Nouveau Monde. La ritournelle de la Moldau de Smetana s’est emparée de moi. Chaque fois que je me suis rendu au cinéma ces deux dernières semaines, j’ai retenu mon souffle lorsque le moment des bandes-annonces est arrivé, espérant voir enfin celle de Tree of Life sur grand écran. Mon pouls bat un peu plus vite chaque fois que je tombe sur l’affiche du film dans un cinéma, avec cette date affichée dessus, cette date qui se rapproche inexorablement. 17 mai 2011. Il y a quelques semaines, il a officiellement été annoncé que le film concourra pour la Palme d’Or à Cannes et depuis, la date de sortie a été avancée d’un jour, à un mardi qui sera certainement celui de sa présentation dans le Palais du Festival.
Ce week-end, devant Rabbit Hole, j’ai enfin vu pour la première fois la bande-annonce du film sur grand écran. Lorsque j’ai reconnu le premier plan à l’écran, j’ai agrippé mes accoudoirs. Le temps s’est arrêté pendant deux minutes, mes yeux grands ouverts, bouche bée, un sourire d’enfant au coin des lèvres. Pour mes proches, il est certainement temps que cet Arbre de Vie sorte, tant ils doivent en avoir marre de cette obsession cinématographique qu’ils voient en moi. Pourtant ce n’est pas une obsession. C’est le divin moment de l’attente. Celui qui nous fait compter les jours et emballe le cœur. Nous sommes en mai 2011, The Tree of Life de Terrence Malick va sortir dans quelques jours. Je n’attends plus pour très longtemps…