Ces deux exemples illustrent, quelque peu, une même velléité de maîtrise de la mondialisation, voire de démondialisation pour reprendre le titre de l’ouvrage récent de Jacques Sapir. Toutefois, le point commun s’arrête là.
Une première différence tient au fait que l’Inde cherche à anticiper et prévenir les effets pervers de la mondialisation ; la France cherche à renverser les effets déjà subis dans le cadre de la mondialisation.
La France n’a pas tort de vouloir revenir sur cette globalisation et de ne plus en être une adepte zélée quand celle-ci ruine son économie. L’Inde n’a probablement pas tort non plus quant elle protège son agriculture au nom de considérations environnementales ou encore pour éviter tout risque social ou quand elle restreint l’exploitation des mines par des étrangers au nom d’une meilleure redistribution de la rente aux populations locales.
Une seconde différence plus marquée tient au fait que l’Inde procède à cette maîtrise selon une logique de mondialisation “juste comme il faut“, de “Godlilocks Globalization” selon l’expression pensée par Arvind Subramanian (Newsweek, 15 juin 2009) tandis que la France semble plutôt procéder par référence nostalgique au passé, miroir de sa grandeur.
Or, c’est là que le bât blesse. Si le retour à l’industrie se justifie, en partie, pour contrecarrer le large processus de délocalisation des grands groupes français, il ne saurait être en soi une stratégie économique à part entière. De surcroît, il résulte de cet outsourcing poussé une relation difficile entre grands groupes et fournisseurs.
On se remet à penser à la revivification de vieilles vallées industrielles qui ont fait la gloire de certains territoires. Le rêve n’est pas irréaliste. On en veut pour preuve la redynamisation de la filière de la lunetterie dans le Jura (Morez, Morbier) (voir Les Cahiers de Friedland). Mais ce rêve n’est pas généralisable.
La France a la nostalgie de son industrie comme nous avons tous un peu la nostalgie des films de Claude Chabrol livrant une certaine image de la province des années 1960-70 et de sa bourgeoisie aux commandes des industries d’hier. Mais, hormis certaines régions et campagnes restées en dehors de la mondialisation, souvent faute de TGV les desservant, la France d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce passé.
La France est devenue, comme nombre de pays acquis à la société de la connaissance et de l’information, une économie aux activités complexes. Elle gagnerait, dès lors, à emprunter la voie indienne et définir des objectifs rompant avec les logiques classiques plutôt que de viser une réindustrialisation globale qui n’aura pas de portée sans convergence avec les intérêts européens.
La fertilisation croisée correspondrait probablement davantage au tissu économique de la France et intègrerait tous les savoir-faire et toutes les composantes – matérielles et immatérielles – de l’innovation. Elle réhabiliterait les maîtres de forges d’hier tout autant que les designers d’aujourd’hui et les prescripteurs des technologies de demain. Oui, comme celui de l’Inde, l’avenir de la France s’enracine dans son histoire mais pas dans la nostalgie de celle-ci !