Il est désormais trčs probable que l’AF 447 livre ses lourds secrets.
C’est le moment qu’attendaient depuis longtemps les enquęteurs du BEA, les familles des victimes, Air France, Airbus et la communauté de la sécurité aérienne tout entičre : la localisation et la remontée du DFDR du vol AF447 du 1er juin 2009, le dimanche 1er mai. S’il est en bon état (ce qui semble ętre le cas) et peut ętre déchiffré normalement, il devrait ętre possible de reconstituer dans le détail les derničres minutes de l’A330-200 avant son plongeon mortel dans l’océan. A partir de ce moment lŕ, le dossier AF447 quittera l’antichambre des accidents inexpliqués, un vrai soulagement.
Le précieux boîtier ayant été retrouvé, il n’y a en principe pas de raison qu’il n’en soit pas de męme pour le CVR, enregistreur d’ambiance qui devrait fournir un précieux complément d’informations. En d’autres termes, la sortie du tunnel est en vue. Reste le fait que rien n’est simple en matičre d’accidents aériens, qu’il ne suffit pas de disposer de toutes les données enregistrées pour reconstituer ŕ coup sűr la séquence complčte des événements qui ont conduit ŕ la perte d’un avion.
On croise les doigts pour que le rapport final du BEA puisse reconstituer la tragédie dans ses moindres détails, sachant qu’il existe forcément des maillons faibles sans lesquels l’AF 447 serait arrivé ŕ bon port. Par ailleurs, la persévérance est récompensée et le résultat ultime sera, en toute logique, que les esprits critiques qui se manifestent depuis l’été 2009, finiront enfin par se taire. Il en résultera, on doit l’espérer, un apaisement bien mérité.
Bien sűr, on a compris depuis longtemps que des esprits chagrins continueront d’affirmer que l’épave aurait pu ętre retrouvée plus vite. D’autres entretiendront le doute, voire la théorie du complot, allant jusqu’ŕ s’interroger sur la véracité de la découverte du DFDR. Les premičres médisances sur ce thčme détestable ont commencé ŕ circuler dčs dimanche soir, ŕ vrai dire sans créer la surprise.
L’AF 447 apparaît, depuis bientôt deux ans, comme un extraordinaire cas d’école. Il a montré de quel acharnement des enquęteurs sont capables pour obtenir la compréhension, l’explication sans lesquelles un accident apparaîtrait comme un double échec. Il a aussi rappelé, si besoin était, qu’un accident majeur comme celui-lŕ est un événement qui ignore les frontičres. Non pas qu’il se soit produit dans les eaux internationales, entre deux continents, mais plutôt parce que 32 nationalités étaient représentées ŕ bord. En majorité des Brésiliens et des Français, mais aussi beaucoup d’autres. Douze pays figurent parmi les observateurs et cet accident a immédiatement pris une dimension culturelle peu ordinaire.
Inlassablement, le BEA a informé : sept réunions, 18 conférences de presse, 38 communiqués, deux premiers rapports. Dominique Bussereau, lorsqu’il était secrétaire d’Etat aux Transports, a par ailleurs créé un comité d’information aux associations de familles de victimes. Il faudra, plus tard, établir un bilan complet de ces initiatives, les remettre dans leur juste contexte, cela dans l’espoir d’éradiquer des critiques absurdes portant sur la transparence et l’indépendance du BEA.
Bien sűr, le dossier est loin d’ętre refermé. Mais ŕ partir du moment oů il est remis sur les rails, en toute logique, il aboutira. Viendra ensuite le moment d’en tirer les enseignements, d’analyser, au-delŕ de la technique, les exigences nées d’un environnement multiculturel ultra sensible. Il faudra aussi, de toute évidence, introduire dans la maničre de conduire les enquętes un savoir-faire psychologique qui, jusqu’ŕ présent, a été empirique ou le fait d’initiatives personnelles.
Dans l’immédiat, on retrouvera bientôt ces difficultés quand il s’agira de décider s’il convient de mettre en place un cimetičre sous-marin ou de remonter les dépouilles retrouvées dans les débris de l’A330-200. Un aspect pénible mais inévitable de ce premier aboutissement, une maničre de souligner que l’enquęte sur l’AF 447 bénéficie d’une touche d’humanité qui, dans le passé, apparaissait trop peu. On sait, aujourd’hui, que le périmčtre de la sécurité aérienne s’étend bien au-delŕ de la haute technique.
Pierre Sparaco - AeroMorning