Ernestine Blanche, une des deux "Nana" de Zola

Par Bernard Vassor
Par Bernard VASSOR

Nous apprenons dans le registre des archives de la Police, (série BB,  un lourd volume in-folio, près de mille pages, ayant des ais de bois et un fermoir avec des coins en cuivre)que Ernestine Blanche dite Blanche d'Antigny vivait au jour le jour dès l'âge de 17 ou 18 ans, fréquentant les endroits publics, dont le bal Mabille, véritable terrain de chasse pour les courisanes en herbe. Elle habitait alors un garni  6 cité d'Antin, puis, plus tard au 17. Elle était avec Pépita Sanchez sous la coupe de la Guimont, célèbre procureuse de la rue Joubert.

BLANCHE D'ANTIGNY Par Bernard Vassor

Une des deux lionnes ayant servi de modèle à Zola pour le portrait de Nana, l'autre étant Valtesse de la Bigne. Dans un autre registre, nous découvrons que Zola fréquentait le bordel du 4 rue Bréda (Henry Monnier) non pas pour la gaudriole, mais pour se documenter sur le fonctionnement de la maison. Rappelons aussi, que notre pudibond Emile avait eu une maîtresse insoumise, prénommée Berthe dans sa jeunesse

Voici la description presque photographique d’un témoin de son temps :

« C’était une belle, bonne, blonde, réjouie et plantureuse fille aux yeux bleu saphir, à la chair couleur de lait, toujours en gaité et en santé.. Elle avait un buste superbe, une gorge opulente, modelée et arrogante, qui contrastaient légèrement avec la partie inférieure de son corps, relativement grêle. Au total, ragoûtante au possible et ne manquant que d’une seule chose, la distinction. (…)Elle fut un moment une des reines de Paris. Elle se promenait au bois avec un curieux atelage russe et des trotteurs de l’Ukraine, conduite par un moujik en blouse de soie, qui attirait tous les regards. (…) Les hommes à la mode, les jeunes seigneurs les plus courrus, les nababs les plus étincelants, les parvenus les plus cossus lui faisaient une cour acharnée et rivalisaient à son égard de générosité et de passion. »

Elle était parmi les dames galantes, parmi celles qui ont consommé le plus de livres. Elle était une habituée de la« Librairie Nouvelle » du boulevard des Italiens, où tout ce qui se passe et tout ce qui se dit à Paris est raconté et commenté parfois par des témoins oculaires.

Née en 1840, elle fréquenta dès l'age de 15 ans le bal Bullier. Elle est engagée comme écuyère auCirque d'Hiver en 1856. A 18 ans, elle se fait remarquer par sa façon de danser au bal Mabille et obtient ainsi un engagement au théâtre de la Porte Saint Martin. Elle obtint de nombreux succès, et sa notoriété va devenir immense. En 1862, elle prend pour secrétaire le jeune Arthur Meyer (futur fondateur de journaux et du musée Grévin) lui permettant ainsi grâce à ses relations, une ascension rapide dans le monde du journalisme. Curieusement, Arthur Meyer fut également secrétaire du préfetJanvier de la Motte !!!  En 1863, un prince russe l'emène à Moscou où elle devint la maîtresse du très riche et très puissant préfet de Police Mesentof du Tsar qui en fit la plus recherchée et la plus chère à entretenir des courtisanes du royaume. Revenue à Paris elle occupe les plus grands rôles dans les salles parisiennes et des tournées en province.  ......................................................................................................... Pendant la guerre franco-prussienne, elle accueille les blessés dans son hôtel particulier de l'avenue Friedland. Elle passe la période de la Commune de Paris dans sa maison de Saint Germain en Laye. En 1872, au cours d'un voyage à Londres, elle rencontre d'anciens communards proscrits auxquels elle accorde une aide discrète. Jean Baptiste Clément fou amoureux lui decicaça une chanson. Son amour n'étant pas récompensé, il modifia sa dédicace au profit de la Commune de Paris. Pour echapper à ses créanciers, elle part pour l'Egypte en 1873. Elle contracte la fièvre typhoïde et rentre à Paris, où ruinée, elle est hébergée par son amie Caroline Letessier (la fit inhumer au Père Lachaise dans le caveau qui lui était résevé et qu'elle partagea par la suite) qui lui donne asile et la fait soigner(morte en 1892 et maîtresse de Maurice Janvier de la Motte, le second et digne fils du célèbre préfet) Elle figure dans le carnet de notes préparatoires de Zola pour Nana page 311 avec ces indications : "laide, agée. Esprit. Très mordantes" elle était née vers 1837 Zola en 1840 !). Le portrait dans Nana est double : Blanche de Sivry blonde au visage charmant et un peu gras. Le fin du récit est directement inspiré de la mort douloureuse de Blanche d'Antigny. Pour le reste, c'est surtout Valtesse de La Bigne qui est l'inspiratrice du romancier. Blanche d'Antigny est morte le 28 juin 1874, d'une fièvre typhoïde 93 boulevard Haussman.Elle fut inhumée dans le caveau de Caroline Letessier au Père Lachaise. Suivaient le convoi, des banquiers ou agents de Change : Dolfus, Guntzbourg, Alequier, et des "collègues" de Blanche : Hortense Schneider, Alice Régnault, Lucie Verneuil, Lucie Levy et les acteurs Train et Dupuis. Parmi ses "collègues en bicherie" on y a rencontré : Alice Regnault, qui deviendra plus tard la femme de Mirbeau, Marguerite de Bosredon, Hortense Schneider, Laure Eyman Berthe Legrand et Pauline Nozières. .................................................... Sources : Archives de la préfecture de Police Archives de Paris Mise à jour le2/05/2011