Magazine Beaux Arts

Sans Tambours pour une fois

Par Eric Mccomber
Premier mai à Sauve. Depuis le temps qu'on m'en vantait les vertus. Une dizaine de mes potes artistes ont leurs portes ouvertes. Peinture, photo, poterie, vêtements… Ça joue de la zique dans tous les coins. Les Hopopop à la Maison qui n'existe pas, Rachel, chanteuse de soul qui torche le vécu des pigments de la voute céleste à la Maison des Comtes et la fantabuleuse Petra Hakaanson à la Cave à vin.
En plein milieu du tour de chant de Petra, un voisin fou débarque, menaçant de faire intervenir le gendarme. Les opérateurs de la cave prennent peur et nous sortons tous dans la rue. Un grand type me met au défi d'aller chercher ma gratte. Faut pas. J'arrive avec l'ampli et tout et tout. On ne bouge plus de là. On fait le jam session en plein dans la Grand Rue. Chaque bagnole est forcée de patienter jusqu'à la fin de la prochaine chanson. Les pavés envahis de fêtards qui dansent et chantent… sans batterie électronique… sans tambour tout court… grattes, accordéons, voix, harmonicas, scie musicale, mains qui tapent, doigts qui claquent, rires et glapissements d'enfants, de vieux, de jeunes, assis sur les perrons ou les cadres de fenêtres, dans cette rue tracée il y a bien plus de mille ans, au cœur de ce village habité depuis trente mille ans, nous faisons chuinter les mélodies acides de Dylan et les rythmes ronds de Creedence, nous réchauffons les rouges hymnes de Guthrie et le folk lent et recueilli de Lanois. Nous sommes au carrefour, des siècles, des civilisations, des Histoires et des sapiences. Robert Johnson s'impose, encore et toujours. You can still barrelhouse all night long on the riverside
Blotti contre Modestine, je m'endors littéralement dans son ronflement. Elle se réveille toutes les deux heures et se jette sur moi tête première, me fait du pain sur le ventre, se love entre mes genoux. L'air est glacial, qui glisse en douce de la Mer des Rochers assoupie. Je me lève pour fermer la fenêtre, puis je me ravise en captant son parfum sucré et limpide. Je déroule plutôt la polonaise sur mes pieds et je me rendors en regardant les étoiles, juste à travers le plafond. Je jurerais qu'on dort à la belle étoile.© Éric McComber

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