Libye : l’Union Africaine alerte sur la prolifération des armes vers les terroristes dans la région

Publié le 01 mai 2011 par Fcollette

Le 26 avril, Le Conseil de Paix et Sécurité de l’Union Africaine a tenu une réunion pour faire le point sur son action pour ramener la paix en Libye.

Il faut se rappeler que dès les premières escarmouche en Libye, l’Union Africaine a crée un comité ad-hoc de haut niveau, en charge de faire des proposition pour sortir de la crise Libyenne. La première réunion de ce comité s’est tenue à Nouakchott, le 19 mars.

L’action de ce comité ad-hoc s’est essentiellement focalisée sur la mise en place d’une feuille de route en cinq points :

  • la protection des populations civiles et la cessation des hostilités ;
  • l’assistance humanitaire tant aux populations libyennes affectées qu’aux travailleurs migrants étrangers, en particulier africains ;
  • l’initiation d’un dialogue politique entre les parties libyennes en vue de s’accorder sur les modalités de sortie de crise ;
  • la mise en place et la gestion d’une période de transition inclusive ;
  • l’adoption et la mise en œuvre des réformes politiques nécessaires pour répondre aux aspirations du peuple Libyen.

Feuille de route, soutenue par la Ligue Arabe, la Turquie, l’Union Européenne, et qui a d’ores et déjà été acceptée par le gouvernement Libyen.

Une volonté de l’OTAN de marginaliser les actions de l’UA.
Bien que la création de ce comité ad-hoc soit saluée dans la résolution 1973 de l’ONU, et que l’Union Africaine soit reconnue comme un des acteurs régionaux devant contribuer de manière privilégiée aux actions pour la paix dans le cadre de l’article VIII de la Charte des Nations Unis, l’OTAN a tout fait pour mettre des batons dans les roues dans les initiatives conduites par l’UA, notamment en empêchant à plusieurs reprises ses représentants de se déplacer pour rencontrer les protagonistes du conflit sur le sol Libyen.

L’absence d’écho dans les médias français de cette réunion du 26 avril, de même que de la réunion précédente au cours de laquelle la feuille de route a été présentée, montre aussi le peu de cas qui est fait par les pays de la coalition des initiatives portées par les acteur régionaux. Il est vrai que la recherche de solutions par la discussion est moins photogénique que les images de bombes et de cadavres dont se repaissent la une de nos journaux.

Des orientations en phase avec le Conseil de sécurité de l’ONU
A la sortie de la réunion à huis clos de consultation sur la Libye du Conseil de Sécurité de l’ONU le 28 avril, le colombien Nestor Orio qui assure la présidence tournant du Conseil de Sécurité a déclaré que tous les membres du Conseil renouvelaient l’appel à une solution politique et à un cessez le feu vérifiable sur le terrain, position qui rejoint celle de l’UA demandant la mise en place d’un cessez le feu accompagné d’un mécanisme de surveillance efficace et crédible.

Il apparait ainsi de plus en plus clairement, que sauf une escalade militaire de la part de la coalition anti-Kadhafi, risque qui est loin d’être écarté, la solution à la crise Libyenne passera par ou sera inspirée par le travail conduit par l’Union Africaine depuis le début du conflit.

Des négociations bloquées par le Conseil National de Transition
Si elle se félicite des premiers contacts engagés et des progrès réalisés avec le Conseil National de Transition qui jusqu’à il y a peu refusait toute discussion. L’UA regrette cependant l’intransigeance dont fait preuve le CNT en posant le départ de Kadhafi comme préalable à toute discussion, et remarque qu’”il ne doit pas y avoir de préalable pour le commencement des négociations, dont l’objectif est précisément de trouver des réponses aux préoccupations de toutes les parties et de faciliter un compromis sur la meilleure voie à suivre”.

Il est évident à ce stade que seul un enlisement de la situation militaire sur le terrain qui se traduirait par une perte pour le CNT du soutien de ses “protecteurs” de l’OTAN, ouvrira la porte à une sortie de crise. A ce jour, c’est donc bien la coalition franco-anglo-états unienne qui a les cartes en main. Tout dépendra du choix qui sera fait par la coalition d’intensifier les opérations militaires avec notamment l’intervention de troupes au sol pour se substituer aux “rebelles” ou au contraire d’accepter de négocier avec Kadhafi.

La France mise à l’écart
Il est intéressant de remarquer que la France n’apparait pas dans la liste des pays avec qui le président du comité ad-hoc a eu des discussions sur les initiatives de l’UA et son projet de feuille de route pour la Libye.

Vu l’importance qu’a pris la France dans l’intervention militaire, Nicolas Sarkozy en tête, cette absence ne saurait être fortuite. Elle marque le début d’une mise à l’écart de la France du processus final, isolée par l’UA comme à l’ONU par ses positions guerrières. Son projet de résolution autorisant des troupes au sol n’ayant trouvé aucun soutien, Le printemps de la diplomatie française n’aura décidément pas fait long feu.

Par ailleurs, le fait qu’une organisation comme l’UA qui publie ses communiqués en deux langues, anglais et français, ne consulte pas la France montre à quel point la fracture est aujourd’hui grande entre le continent africain et la France de Sarkozy, qui laissera là aussi un bilan exécrable derrière lui.

La manière dont la résolution 1973 est mise en oeuvre remise en cause
Une réunion d’urgence de la Commission Africaine du droit International est prévue, dans le but de faire le point sur “la portée et les implications juridiques des résolutions 1970 et 1973″. Une manière de pointer l’interprétation de plus en plus poétique de la résolution 1973 par les pays de la coalition. L’Union Africaine rejoint là les voix de plus en plus nombreuses de pays qui condamnent la manière dont la coalition détourne pour ses propre objectifs l’esprit et la lettre de la résolution 1973.

Une des premières conséquence de cette désinvolture juridique étant le blocage du Conseil de Sécurité, qui pour le Yemen ou la Syrie, s’est retrouvé dans l’impossibilité de prendre un décision, notamment à cause de la méfiance de la Russie vis a vis de la France l’Angleterre et les USA. L’intervention militaire en Libye montre là une autre de ses conséquences dans un retour en arrière du fonctionnement du Conseil de Sécurité, ramené au temps de la guerre froide. Ces nouvelles crispations viendront sans nul doute ralentir voire annuler la mise en place d’un gouvernement mondial multipolaire.

Un sommet africain sur la libye ?
En marge de la réunion, le ministre des affaires étrangère libyen a proposé la mise en place d’un sommet africain consacré à la crise libyenne. Initiative bien sur rejetée immédiatement par le CNT qui trouve la majeure partie de ses soutiens en Europe plutôt qu’en Afrique. Proposition reçue positivement par Ramtane Lamamra, le Commissaire à la Paix et la Sécurité de l’UA qui a promis de lancer des consultations sur le principe d’un tel sommet.

Une Commission d’enquête sur la situation des travailleurs migrants africains en Libye
A la suite des violences dont ont été et sont victimes des migrants africains, notamment de la part des forces anti-Kadhafi, qui assimilent les migrants à des mercenaires des troupes pro-Kadhafi, l’Union Africaine décide la création d’une commission d’enquête et exige la fin de ces violences.

La prolifération des armes vers les terroristes et les criminels
Dans son rapport, le président de la commission ad-hoc se déclare préoccupé “par les conséquences de la guerre sur les pays voisins de la Libye et d’autres pays de la région, ainsi que pour la sécurité et la stabilité régionales, en particulier en ce qui concerne la prolifération illicite d’armes, le terrorisme et d’autres formes de criminalité transnationale organisée”, inquiétude reprise par le communiqué final de l’UA.

Il faut dire qu’une partie des armes fournies aux anti-Kadhafi par la coalition, notamment via le Qatar se retrouvent aux mains d’Al-Quaida et d’autres groupes criminels ou terroristes.

Ajoutée au déplacement massifs de populations, à la destruction des infrastructures, à la saisie des fonds souverains libyens, la prolifération d’armes sur le terrain vient en effet renforcer la déstabilisation d’une région qui n’en a pas besoin.

La volonté de la France, l’Angleterre et les USA d’en finir avec Kadhafi est décidément payée chèrement par les populations de la région et ce n’est terminé.

Le grand cirque médiatique, nourri de sang et de flammes, à la gloire du bon occident égorgeant le monstre Kadhafi, vaut bien la vie de ces gens.

Et puis après tout, qui se soucie des africains ?

Communiqué final de la réunion : http://www.au.int/en/sites/default/files/PSC%20Communique%20-%20Libya%20_FR.pdf

Rapport du président du comité ad-hoc : http://www.au.int/en/sites/default/file/275th%20-%20Rapport%20Libye%20%28Fr%20%29%20doc%20pdf.pdf