par Brigitte Axelrad
Brigitte Axelrad est professeur honoraire de philosophie et de psychosociologie, et membre du comité de rédaction deScience et pseudo-sciences. Elle vient récemment de publierLes ravages des faux souvenirs, ou la mémoire manipulée, aux éditions book-e-book. Le présent article figure dans la version anglaise de ce livre, éditée par laBFMS (British False Memory Syndrome Foundation).
« Les preuves sont un antidote contre le poison des témoignages. »
Francis Bacon, Extrait deDe dignitate et augmentis scientiarum
Les erreurs dans les témoignages
La recherche sur les faux souvenirs est née, dès la fin du XIXe siècle, d’un doute portant sur l’exactitude et la fiabilité des témoignages. En 1893, James McKeen Cattell (1860-1944) mit au point à l’Université de Columbia une expérience informelle pour mesurer la fiabilité des souvenirs et publia dansSciencele premier article américain sur la psychologie des témoignages. Cette expérience portant sur 56 étudiants l’amena à constater avec étonnement des différences importantes entre leurs témoignages [1]. Il conclut son étude en exprimant l’espoir que la mesure de la fiabilité des souvenirs puisse être utilisée dans le domaine judiciaire : » Comme dernier exemple de l’utilité des mesures de la précision des observations et des souvenirs, je veux parler de leurs applications dans les cours de justice. L’exactitude probable d’un témoin pourrait être mesurée et son témoignage serait pondéré en fonction du résultat. Une correction numérique pourrait être introduite selon le temps écoulé, l’insuffisance moyenne (« average lack ») de véracité, l’effet moyen de l’intérêt personnel, etc. Le témoignage pourrait être recueilli de façon indépendante et communiqué à des experts qui pourraient affirmer, par exemple, que les chances que l’homicide ait été commis par l’accusé sont de 19 sur 1, et de 4 sur 1 qu’il ait été prémédité. » [2]
L’expérience de Cattell influença d’autres pionniers de la psychologie du témoignage comme le psychologue français Alfred Binet (1857-1911) et le psychologue allemand William Stern (1871-1938).
Dès 1916, on s’interrogea sur l’exactitude et la fiabilité du témoignage oculaire, dans les interrogatoires de police et dans les procès, bien avant l’examen des traces et des indices. Elizabeth Loftus, dans la riche littérature qu’elle a consacrée à l’étude de la mémoire et de ses illusions, raconte, entre autres faits, qu’en 1979, dans l’État du Delaware, un prêtre catholique avait été soupçonné de vols à main armée sur la base de témoignages oculaires. Sept témoins lui avaient donné le nom de « bandit gentleman », pour décrire le raffinement et l’élégance du voleur. Au cours du jugement, plusieurs personnes identifièrent le prêtre voleur. Mais, coup de théâtre, un autre individu reconnut avoir commis ces vols, et le jugement fut cassé.
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