Le songe de Biblis, peinture de Serge Boisse
Ma plus grande peinture ! Elle ne fait pas moins de deux
mètres carrés, ce qui représente,
croyez moi, une
bonne quantité de coups de pinceaux... Je l'ai peinte en
avril
2011.
Ce tableau représente une jeune femme qui songe au bord d'un
lac, et son rêve prend la forme de grands coquelicots rouges
qui
montent de sa tête et retombent à ses pieds.
J'aime
cette symbolique. Le contraste est saisissant entre le style classique
et les couleurs pastels que j'ai utilisé pour peindre la
femme,
et le style très contemporain des coquelicots dont
le
rouge éclatant tranche sur un fond bleu nuit.
Certains sont réalistes, d'autres pas du tout,
prenant même parfois la forme d'un papillon. Tout
ça est symbolique évidemment. N'oublions pas que
c'est un songe !
Le songe de
biblis, huile sur toile, 200 x 100 cm, Serge Boisse, 2011
Allez, je vous offre un cours de peinture gratuit sur cette
toile ! Voici comment je l'ai réalisée :
Le songe de biblis n'est pas mon premier nu,
mais évidemment quand on peint un nu de cette taille (plus
grand
que nature !), il faut s'attacher aux détails.
Tout
est parti d'une peinture de William Bouguereau,
intitulée
justement Biblis,
peinte en 1884.
Ah,
me direz vous, mais alors c'est une copie ! Oui bien sûr,
mais ce
n'en n'est pas plus facile pour antant. Et puis je n'ai pas
copié exactement la femme de Bouguereau, j'y ai mis mon
style,
plus impressionniste qu'académique. Ce n'est pas le
réalisme de la chair qui m'intéresse, mais la
suggestion
de sa douceur et de son modelé.
Et
puis j'ai aussi ma manière à moi de rendre les
détails et en particulier les cheveux. Je suis
particulièrement fier de ceux-ci. Vous ne pouvez
pas imaginer le nombre de couches successives qu'il faut pour les
faire. La palette de couleurs que j'ai utilisée pour les
cheveux est très réduite (terre de
sienne, bleu cobalt, blanc titane, un soupçon de jaune de
cadmium), mais c'est la juxtaposition des touches qui créent
l'effet de matière et la couleur perçue au final.
En parlant de la palette complète pour ce tableau,
la voici :
- rouge vif (Lefranc série fine)
- bleu phtalocyanine (Lefranc série fine)
- blanc de titane (Pallio)
- terre de sienne brulee (Lefranc série fine)
- vert moyen (Lefranc série fine)
- jaune de cadmium (marque illisible)
- bleu de cobalt (Lefranc série Louvre)
Et c'est tout ! Tout ça en gros tubes
évidemment vu la quantité qu'il me faut.
Comment commencer une toile pareille ? Normalement, la
méthode classique consiste à esquisser les
contours. Eh bien je n'ai pas fait comme ça du tout ! j'ai
commencé par poser des tâches de couleurs, et pas
de contour du tout ! Pour moi la couleur, l'équilibre du
tableau, le contraste entre la femme allongée et le fond
"onirique" sont les choses qui comptent le plus.
Enfin c'est ce que je croyais. Parce que quand
on copie un nu académique, il faut être très
précis ! Tout se joue au milimètre. Les proportions du
corps doivent être respectées. Donc... contour.
A ce stade je commence dans ma tête à avoir une
bonne idée du résultat. Sur la toile, c'est très
moche. Mais patience, la peinture à l'huile a ceci de bien qu'on
peut toujours retoucher ! C'est d'aileurs à cette étape
(après à peu près une journée de travail)
que je commence à diluer avec de l'huile et non plus de la
thérébentine. Je découvrirais plus tard que c'est
trop tôt : je vais avoir des problèmes d'embus.
Un embu, c'est ce qui survent quand on oublie la règle d'or : toujours peindre gras sur maigre !
Bon on se recule pour regarder... Ca prend forme, mais le visage n'est
pas du tout comme je le veux, il est moche. Et les cheveux n'ont pas de
forme...
Je peint toujours le fond en même temps que la femme, pour
toujours garder l'équilibre et le contraste entre les couleurs.
La c'est mieux. Mais je n'ai pas fini de galérer
à retoucher les couleurs, en couches successives très
fines... Mmm, les coquelicots commencent à être
pas trop mal. Mais je les trouve un peu naïfs. On verra
ça plus tard.
En fait il faut revenir sans cesse sur les détails. Le
diable est dans les détails ! De temps en temps je
photographie la peinture. En étudiant la photo sur l'ordi, on
trouve beaucoup plus facilement les problèmes. Surtout avec un
tableau aussi grand !
Encore deux jours de boulot sur les mains, le visage, les
cheveux, les pieds... et les coquelicots. Les couleurs me plaisent.
Reste quelques minuscules imperfections sur le visage... J'ai du
reprendre entièrement l'oreille et retoucher le nez et les yeux.
Allez je signe... Un peu trop tôt, j'ai encore un peu de travail
à faire sur le visage et les mains...
et voila, je vous remet le résultat final :
C'est beau, non ?
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