William Faulkner : «Comment je suis devenu écrivain»

Par Benard

En 1956, William Faulkner répondait aux questions de la «Paris Review», revue littéraire américaine aujourd'hui rééditée. Voici des extraits de cet entretien demeuré inédit en français.

Né en 1897 dans le Mississippi, William Faulkner est l'auteur d'une oeuvre majeure (romans, nouvelles, scénarios de films) couronnée par le prix Nobel de littérature en 1949. Il meurt en 1962. (c)AFP

Si Shakespeare avait pu être interrogé par les journalistes, il aurait certainement choisi de répondre aux questions de la «Paris Review». Fondée, hélas, plus tardivement (au début des années 1950), cette revue littéraire, qui tire son nom d'avoir été créée à Paris par trois fins lettrés américains, a ainsi pieusement recueilli les propos des Shakespeare des temps modernes.

Faulkner s'est aussi prêté à l'exercice, au cours d'un long entretien avec Jean Stein jamais publié en français, et dont on verra qu'il apporte, sur certains épisodes de sa vie comme sur sa conception du métier d'écrivain, un éclairage exceptionnel. Un Faulkner inédit, profondément humain, diablement ironique, fidèle à sa légende d'enfant du Sud, aussi coriace que subtil…

Didier Jacob

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Monsieur Faulkner, vous avez dit, il y a un certain temps, que vous n'aimiez pas les interviews.

William Faulkner. - La raison pour laquelle je n'aime pas les interviews, c'est que j'ai toujours l'air de répondre brutalement aux questions personnelles. Si les questions portent sur mon travail, j'essaie de répondre. Quand elles portent sur moi, il se peut que je réponde, il se peut que je ne réponde pas, mais même si je le fais, si jamais la même question m'est posée le lendemain, la réponse peut être différente.

Que pouvez-vous nous dire de vous en tant qu'écrivain?

W. Faulkner. - […] Je pense que si je pouvais récrire toute mon oeuvre, je suis persuadé que je ferais bien mieux, ce qui est l'état d'esprit le plus sain pour un artiste. C'est pour cela qu'il continue à travailler, à essayer encore; il croit chaque fois qu'il va y arriver, qu'il va réussir. Bien entendu, ce ne sera pas le cas, c'est pour cela que c'est un état d'esprit sain. S'il réussissait, s'il parvenait à faire coïncider l'oeuvre et l'image, le rêve, il ne lui resterait rien d'autre à faire que se trancher la gorge, sauter de l'autre côté de ce pinacle de perfection vers le suicide. Je suis un poète raté. Peut-être tous les écrivains veulent-ils écrire d'abord de la poésie, constatent qu'ils ne le peuvent pas et essaient ensuite les nouvelles, la forme la plus exigeante après la poésie. Et, échouant à cela aussi, c'est alors qu'ils se lancent dans l'écriture de romans.

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