Ladji Doucouré est un vrai athlète de tradition française. Souvent
blessé, parfois vainqueur, mais jamais bien longtemps dominateur, il perpétue une noble lignée dont Christine Arron avant lui fut la reine. En ce moment, il doute le Ladji. Lundi 4 février, il
étalait même ses états d'âme en quatrième de couverture de notre quotidien sportif national, trop content de trouver là un bon client à la langue heureusement plus agile que le genou.
Dans le peloton cycliste, on sait très bien que si les Français ne gagnent plus ou si peu, c'est parce que tous les autres sont dopés, les
vilains. Qu'un jeune inconscient plein de fougue pense le contraire et s'imagine en vainqueur, il lui suffit de lire la presse sportive, dont la chasse à la topette est devenue
l'obsession, pour mettre la moindre de ses défaillances sur le compte de sa probité et de la malhonnêteté supposée de ses adversaires étrangers.
Ladji adapte avec brio à l'athlétisme ce principe, devenu le fond de commerce des journalistes et des losers geignards de l'asphalte ou
du tartan. Il se révèle même maître dans l'art de manier la perfidie et l'insinuation. L'homme n'en sort pas grandi, mais le champion à la dérive y trouve une excuse facile pour
justifier ses errements. L'air de rien, il balance le bougre, laissant planer le doute sur ses concurrents directs dans la course au podium olympique sur 110m haies. À propos du Chinois Liu et du
Cubain Robles, il lâche ainsi sans y toucher : "On a l'impression qu'ils ont tué la fatigue. Ils disent : "Je suis fatigué, j'en ai marre" et ils font 12"92 et ils tapent tout le
monde".
Repris en phrase sortie pour donner du peps à l'interview, ces propos équivalent à un échange de regard entendu
sur l'air du "Pas besoin de vous faire un dessin". Liu et Robles sont moins fragiles que Doucouré, le Chinois et le Cubain galopent plus vite que Ladji, on vous le dit, c'est sûr,
ils "en" ont pris. Quoi, on ne sait pas, mais il y a "aiguille sous roche". C'est ce qu'il y a de commode avec le dopage : il peut expliquer tout et son contraire. Prenez le cas Maurice Green,
formidable sprinter dont on ne jurerait pas qu'il carburait exclusivement au jus de betterave. Contraint d'annoncer sa retraite suite à des pépins physiques à répétition, sa fragilité pourrait
tout autant tenir au fait qu'il "en" a pris trop que pas assez. Dans ce cas, Doucouré et sa kyrielle de bobos pourrait lui aussi être une brebis égarée, que l'abus d'hormones aurait
fragilisé. Mais il est Français, donc forcément pur comme l'eau d'un glacier. Allez Ladji, on s'l'écrit cette petite lettre à la Kommandantur ?