1993. J'ai 15 ans. Jean-Paul II offre aux fidèles une nouvelle encyclique. Veritatis Splendor fera du bruit. La grande encyclique de ce pape populaire et complexe. Liberté, vérité, obéissance, loi naturelle. Morale. Le mot est jeté. L'homme libre ne se crée pas sa propre morale. Sa liberté lui permet de choisir la loi naturelle et de suivre le conseil donné au jeune homme riche de l'Evangile : "va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis viens et suis-moi.". Mais comme le jeune homme riche, l'homme ne peut pas toujours lâcher ses biens matériels, ses plaisirs immatériels, ses fantasmes et ses désirs. "à ces mots, il devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens."
1993. J'ai toujours 15 ans. Jean-Paul II reconnait l'Etat d'Israël. Le pape du rapprochement judeo-chrétien initié par Paul VI. Le pape de la "promesse" pour le peuple juif chère au cardinal Lustiger. Le pape diplomate qui oeuvra tant pour la paix et la liberté en Europe de l'Est et ailleurs dans le monde.
1997. J'ai 19 ans. Je suis grand et je participe aux JMJ à Paris. Le pape détesté par les laïcards français. Le pape de la fierté chrétienne. le pape qui rappelle une morale si difficile à respecter et qui, pourtant, réunit des jeunes comme aucune autre rock star. "Jeunes, vous êtes l'espérance du monde". Le pape qui rappelle aussi aux français le sens de l'adoration eucharistique. Le mystère de la foi. Dieu eucharistie est au milieu des adolescents, Dieu Esprit-Saint est au fond des coeurs adolescents. Adolescence de la foi, période mystérieuse.
2000. J'ai 22 ans. Je n'ai toujours pas de cheveux blancs. Je suis aux JMJ à Rome. Il fait chaud et Jean-Paul II est vieux. Il souffre. "Si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde entier." Il cite Sainte Catherine de Sienne et 2 millions de jeunes pleurent de joie, d'espérance, de foi, de courage, d'amour. Le passage à l'an 2000 ouvre une nouvelle voie. La voie du Christ.
Dans tout cela, il y a une chose que je retiens. Mon âge.
Jean-Paul II a compris dès le début de son ministère de prêtre que l'adolescence est une période clef de l'existence. Une période mystérieuse. Que faisait Jésus à 15, 19 ou 22 ans? On le connait bébé, on le connait trentenaire, on le connait mort et ressuscité. Mais on ne le connait pas adolescent cherchant sa voie, éclatant de vivacité et espérance du petit monde de Nazareth. Une période mystérieuse.
L'ado est un être cher. Un être qui demande à aimer et à être aimé. Un être qui veut être libre, qui se rebelle mais qui admire l'exigence. Un être qui est parfois cassant, manichéen, intolérant et qui pourtant veut faire la paix dans le monde. Un être solitaire qui aime la foule, se cache dans le mimétisme et veut faire la révolution groupée. Un être qui pleure, crie, rie et aime. Comme les disciples de Jésus finalement. Ils étaient jeunes, parfois cons, parfois drôles, mais avec ce qu'il faut de folie pour changer le monde.
A 15 ans, je défendais Jean-Paul II sans l'avoir lu. A 19 ans, j'aimais Jean-Paul II en l'ayant entendu. A 22 ans, je comprenais Jean-Paul II en l'ayant vu.
Jean-Paul II fut le pape de la vie. La vie est un don de Dieu que nous devons respecter. Elle exige de nous un respect, une morale, une défense volontaire et active. Mais elle nous offre une joie, une espérance, une charité. La vie prônée par Jean-Paul II, ce n'est pas une prison. Il peut y avoir la sexualité joyeuse du couple et la mort du martyre. L'invitation à la sagesse d'Assise et la confrontation avec le communisme. La vie prônée par Jean-Paul II mêle la réflexion, l'action, le sourire et les larmes; mais elle se fonde sur la vérité de Dieu.
En cela, Jean-Paul II fut proche de son ami Benoit XVI. Le cardinal Ratzinger qui l'assistait dans sa réflexion est devenu un grand pape. Le pape de la vérité. Sans oublier l'adolescence. "je vous le dis : courage ! Osez prendre des décisions définitives parce que ce sont les seules qui ne détruisent pas la liberté, mais qui lui donnent la juste orientation, en permettant d'avancer et de faire quelque chose de grand dans la vie. La vie n'a de valeur que si vous avez le courage de l'aventure et la certitude confiante que le Seigneur ne vous laissera jamais seuls."
L'adolescence est une période mystérieuse. Une période que nos stars, nos médias, nos gouvernants ne veulent pas comprendre. Tout ce petit monde ne fait pas confiance à nos ados. Ils leur bourrent le mou de simplicisme et leur refusent le cadeau de nos papes, le plus beau cadeau: l'exigence.
Amour, sexualité, argent, gloire, don, adoration, générosité, engagement, évangélisation, respect, miséricorde, liberté, dépendance, joie, désespoir, compassion, espérance. Nos petites oreilles ont la chance d'avoir des papes à lire, entendre, comprendre.
J'avais 15, 19, 22 ans et j'avais Jean-Paul II. Nos adolescents ont 15, 19 ou 22 ans et ils ont Benoit XVI. L'un et l'autre ont commis des erreurs, diront certains. Sûrement. Mais il y a au fond d'eux un incroyable Esprit-Saint qui allume un feu puissant. A nous de tendre une allumette pour en récupérer une part.
Et puis zut. J'ai 32 ans. Dans quelques mois, j'aurais le dernier âge du Christ. je lis avec passion Benoit XVI. Et je vous avoue une chose : Dieu, que c'est bon !