Pendant vingt ans, Eleih-Elle Etian fut, à partir de 1989, l’Ambassadeur du Cameroun en Chine où il gravit tous les échelons diplomatiques jusqu’à devenir, sur les dernières années de son séjour, le doyen du corps diplomatique en Chine. Dans un livre à paraître, aux éditions L’Harmattan, le « doyen » raconte sa Chine. Son témoignage est unique. Extraits exclusifs avant parution.
Il y a une vingtaine d’années, le Chinois rêvait de posséder trois choses : une bicyclette, une machine à coudre et une montre. Mais au Chinois moyen de Beijing qui allait à pied ou en vélo dans une ville où les rues ignoraient les embouteillages actuels, il manquait pratiquement tout lorsque j’arrivais ici, en 1989. Et, comme l’écrit Eric Meyer dans un ouvrage consacré à la Chine, «le salaire moyen des Chinois en 1987 s’élevait à 80 yuans par mois (environ 15 dollars)…et, outre son salaire, l’employé recevait chaque mois des tickets d’alimentation pour les produits de base : riz, sucre, huile d’arachide, sauce de soja, le tout détaillé à la balance et à la louche en pleine rue».
Au « magasin de l’amitié »
Le lendemain de mon arrivée à Beijing, je n’avais pu trouver ni draps de lit, ni savon de toilette, ni pâte dentifrice au magasin chinoisJing Ke Longde Sanlitun, pourtant l’un des plus achalandés de la capitale chinoise. Il fallait alors tenter sa chance au « magasin de l’amitié » où les produits importés n’étaient accessibles qu’aux étrangers qui payaient en devises étrangères sous forme de Foreign Exchange Certificates (FEC). Et en guise d’emballage, c’était un genre de papier de couleur kaki qu’on attachait avec une ficelle de même couleur coupée avec une technique uniquement maîtrisée par les vendeuses qui, auparavant, avaient calculé votre prix à l’aide d’une tablette à calculer à billes.
Ne trouvant pas du lait frais au marché, j’en avais demandé à mon vieux chauffeur Zhao qui obtint que des paysans de la banlieue, toute proche puisqu’elle commençait pratiquement à moins d’un kilomètre de là, où se trouve actuellement l’un des grands hôtels du centre de la capital, m’en livrassent tous les matins. Les braves paysans venaient alors tout bonnement me jeter des paquets de lait en plastique par terre devant le portail de l’ambassade. Scandalisé, je finis par accrocher au portail un sceau pour qu’ils y déposent mes paquets de lait.
Maintenant on trouve au marché des fruits tels que les bananes, les pommes, les ananas, le raisin, la pastèque, le melon, durant pratiquement toute l’année. Il en va de même des légumes. Or, en ce temps là, la banane, la pomme, l’ananas, le raisin, étaient des fruits exotiques inconnus sur la place du marché. La banane importée d’Équateur ne se trouvait que dans les quelques rares épiceries des magasins réservés aux étrangers. La litchi arrivait du Sud au mois de juin, comme elle continue d’ailleurs de le faire. Mais les pastèques n’arrivaient que vers juillet août et les melons un mois plus tard. Leur arrivée par caravanes entières de camions était tout aussi spectaculaire que celle des choux vers la fin du mois d’octobre. Les ménagères achetaient quelques bottes de choux qu’elles déposaient sur le toit en tuile de ces petites masures en briques de terre de couleur grise sale qu’on voyait un peu partout le long des rues de Beijing, y compris la célèbre avenue Changan, située au coeur de Pékin. Elles les effeuillaient parcimonieusement, en hiver, pour faire la soupe.
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