Il y a tout juste deux ans, j'assistais à une superbe corrida de rejon à la Féria d'Arles et j'en faisais un billet sur ce blog. A cette époque, le jeune portugais, Diego Ventura (sur la photo), commençait à concurrencer sérieusement le Maître incontesté du genre, le quadragénaire espagnol, Pablo Hermoso de Mendoza. Mais ce dernier demeurait un cran au dessus de son dauphin.
Lundi dernier, je suis retourné en Arles, avec mon ami Sandrine, comme la première fois, pour admirer les deux rejoneadores à nouveau à l'affiche. Il faisait un temps superbe à la capitale provençale en ce lundi de Pâques et comme en 2009, l'ambiance autour des arènes était super sympa avant la corrida notamment grâce aux bandas jouant les traditionnelles chansons de féria.
Tout était donc réuni pour que la fête soit belle, et elle le fut.. un peu moins qu'il y a deux ans mais belle tout de même. Les arènes étaient évidemment pleines à craquer (13 000 spectateurs) pour accueillir les deux principaux protagonistes et Joaquin Bastinhas, le troisième caballero. Comme le veut l'usage, l'entrée des cavaliers dans la plaza de toros fut spectaculaire :
C'est Joaquin Bastinhas qui a ouvert le bal et ce que tout le monde craignait s'est vérifié. Ce Portugais ne jouait pas dans la même catégorie que ses deux compagnons. Il y avait même un monde entre lui et les deux autres. Sa première prestation, honnête, s'est terminée par une mise à mort calamiteuse, une vraie boucherie. La corrida a commencé par une bronca !!!
Et puis, Mendoza a affronté son premier taureau. Il était très attendu par le public d'Arles qui l'apprécie particulièrement. Et en général, l'Espagnol le lui rend bien. Mais là, il n'était pas la hauteur. Évidemment, c'était du beau travail, très agréable à voir, comme toujours. Mais il manquait le brio habituel. Ajouté à cela une mise à mort laborieuse et le Maestro est ressorti sans oreille.
Voici quelques extraits de sa première prestation (je tiens à préciser que je n'ai filmé aucune mise à mort) :
Et puis, ce fut le tour de Ventura et la magie opéra instantanément. Du haut de ses 29 ans, le jeune portugais n'est pas encore au sommet de son art mais il s'en approche. Engagé, prenant de nombreux risques sur ses superbes chevaux, toréant avec une confondante facilité, sa prestation fut presque parfaite et lui permit d'obtenir deux oreilles.
A mon avis, elles étaient mérités (mais si certains puristes diront le contraire). Le public, quant à lui, réclamait la queue, ce qui aurait été exagéré.
Sur cette vidéo, vous pourrez notamment admirer une figure que Diego Ventura affectionne particulièrement, à savoir tourner autour du taureau en lui posant la main, le coude, voire la tête sur le front, entre les cornes.
Je ne m'étendrai pas sur la seconde prestation de Bastinhas, tout aussi mauvaise que la première, voire pire car il a mis sa monture en danger. C'est un miracle que son cheval soit sorti indemne d'un sévère accrochage avec le taureau en tout début de combat.
Je pensais que Mendoza reviendrait plus que motivé, piqué au vif par les deux oreilles de son concurrent. Mais ce ne fut pas le cas. Certes, sa seconde prestation fut bien meilleure que la première, mais il n'a pas signé une leçon aussi magistrale que celles régulièrement réservées aux Arlésiens.
Grâce à une mise à mort parfaite car quasi instantanée (comme on aimerait les voir toutes), il a tout de même obtenu deux oreilles. Si la première était amplement méritée, la seconde était très gentille.
Diego Ventura a conclu cette corrida équestre de façon magistrale en livrant un combat presque aussi bon que le premier. Seule une mise à mort un peu longue le priva de la seconde oreille.
Il y a un moment que j'ai particulièrement apprécié et que vous pourrez voir dans la prochaine vidéo (entre 2'40 et 3'20). Le cavalier et sa monture dansent avec le taureau au son de la musique des arènes, incroyable !
Finalement, les deux concurrents ont été portés en triomphe et sont sortis de l'arène par la grande porte sous les ovations du public.
Ce qu'il faut retenir de cette corrida, c'est que le dauphin est sur le point de prendre la place du roi. Ventura progresse et la virtuosité habituelle de Mendoza lui a fait quelque peu défaut en ce lundi de Pâques. Il est probable que cette tendance se confirme et que le plus grand rejoneador de l'aire moderne laisse progressivement sa place de leader. C'est assez naturel à 45 ans et après 15 ans au top niveau.
Pour conclure, je voudrais vous parler d'une décision qui vient d'être prise par le Ministère de la Culture et qui n'a pas fini de faire couler de l'encre. Depuis le 22 avril dernier, la tauromachie est inscrite à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel français, à l'initiative de l’Observatoire national des cultures taurines. La France est le premier pays au monde à effectuer cette démarche.
Évidemment, depuis une semaine, les adversaires de la corrida dénoncent cette décision de l'État qui pourrait représenter une première étape vers une candidature pour l'inscription au patrimoine de l'Unesco, même si le Ministère s'en défend.
On peut même lire sur le Web des propos assez violents dénonçant la mauvaise image que cette décision donne de la France ou encore exprimant la honte d'être Français dans ces conditions...
N'est-ce pas un peu exagéré ?
Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas vraiment un défenseur de la politique qui est menée en France depuis quelques années et de ceux qui la dictent. Mais, à mon humble avis, notre cher gouvernement a pris des décisions beaucoup plus scandaleuses, honteuses et nuisibles à l'image de la France depuis 2007 que l'inscription de la tauromachie au patrimoine culturel du pays.
Je ne suis pas ce qu'on appelle un aficionado. Je vais voir une corrida par an et je considère cela comme un spectacle tout à fait décalé dans un monde où tout est de plus en plus aseptisé.
Ceci dit, je comprends que la corrida soit un sujet polémique. On peut s'émouvoir de la mort dans l'arène, indéniablement cruelle, de quelques milliers de taureaux par an. Je respecte ceux qui s'en émeuvent. En ce qui me concerne, ce n'est pas que je ne sois pas émotif, j'ai d'autres objets d'émotion, voilà tout.
Allez, terminons en musique, comme d'habitude, mais avec de l'opéra, une fois n'est pas coutume :