Jamais j’aurais pensé qu’un jour j’écrirais un billet comme celui-ci. Je suis de centre-droit et j’ai toujours voté ainsi. Me voilà décidé à voter pour un parti de gauche.
Lundi, le 2 mai, je vais voter pour le candidat du Nouveau Parti Démocratique (NDP) de mon comté. Je vote parce que je crois que le temps est venu de bousculer les grands partis traditionnels afin que la politique au Canada reprenne éventuellement la place importante qu’elle mérite dans l’esprit des Canadiens et Canadiennes.
La prestation de Jack Layton, lors du premier débat des chefs en langue anglaise m’a marqué. Soudainement, j’ai ressenti le regret qu’un homme brillant comme lui ne puisse être premier ministre de mon pays puisqu’il dirige un tiers-parti.
Le PM actuel Stephen Harper peut faire élire une majorité de députés. Son parti, le Parti Conservateur du Canada (PC), se prépare depuis longtemps pour atteindre ce but. Par exemple, il a fait en sorte que le budget pour le vaste projet canadien d’infrastructures soit dépensé en grande partie dans les comtés de ses députés. De plus, il a concentré ses efforts électoraux, monétaires et autres, dans une vingtaine de comtés qui avaient glissé entre ses doigts lors de l’élection précédente. Il y a aussi la politique partisane d’Harper au Moyen-Orient, favorable unilatéralement à Israël, qui lui rapporte des fruits dans les circonscriptions où la population juive est concentrée et qui a toujours été fortement libérale. Dans tous ces comtés, le Parti Conservateur (PC) est en avance ou très près de la tête. Mais, et il y a toujours un « mais » en politique, le phénomène Layton peut venir bousculer toutes les prévisions. Le PC est entré dans cette élection avec un appui de 40% de tous les électeurs canadiens et se retrouve aujourd’hui à 35%. Reprendra-t-il le terrain perdu, dans les derniers jours, ou cette baisse s’accentuera-t-elle pour venir miner davantage ses chances de gagner les comtés qu’il juge primordiaux pour obtenir la majorité absolue de la Chambre des Communes ?
Michel Ignatieff, le chef du parti libéral du Canada, fait une belle campagne électorale si on en juge par ses discours de fond. Malheureusement pour lui, ça ne colle pas ! Alors qu’il était bon deuxième, le jour du déclenchement de l’élection, il se retrouve, à la veille du jour du scrutin, troisième avec seulement 22% des votes à l’échelle nationale. Son parti a un problème d’image. En effet, l’étiquette « parti libéral », est actuellement mal vue au Québec. Le désastreux « scandale des commandites » du temps du PM libéral Jean Chrétien n’est pas complètement effacé de la mémoire des Québécois et des Québécoises. De plus, le parti libéral du Québec se retrouve dans les limbes politiques depuis un an, suite au refus de son chef de mettre en place une « Commission royale d’enquête sur la construction » et de la peur qui a envahi les Québécois en rapport avec l’exploration mal engagée du gaz de schiste et mal défendue par le PM québécois, le libéral Jean Charest. Le parti d’Ignatieff est bon dernier au Québec avec un appui qui frise les 10%. C’est pitoyable !
De son côté, le Bloc Québécois panique. De 40% le jour 1, le voilà, trois jours avant les élections, à 22% d’appuis au Québec. C’était impensable, il y a à peine 10 jours. Même son cœur de « purs et durs » rétrécit malgré tous les discours de peur prononcés par son chef, Gilles Duceppe, pour arrêter le tsunami NDP qui s’annonce; malgré tous les blogueurs séparatistes qui cherchent à démontrer que le Bloc va gagner et malgré toutes les grandes vedettes du passé qui interviennent dans le débat pour faire remonter la ferveur bloquiste.
Les électeurs en ont le ras le bol. Ils se révoltent contre l’illogisme de la situation de ces députés séparatistes, grassement payés par le Canada avec de grosses pensions, qui dénigrent et cherchent à briser leur pays. Ils sont révoltés de voir, dans leurs rues, une multitude de grands panneaux publicitaires et de constater l’imposante publicité dans les médias et ailleurs faisant la promotion des candidats du Bloc Québécois, alors qu’ils ont appris que 86% de ces dépenses proviennent de contributions financières du gouvernement du Canada.
L’avance du NDP ne cesse d’augmenter et les sondeurs affirment qu’elle se solidifie. Au pays, le parti de Jack Layton est deuxième. Au Québec, il est premier à 42%, soit 20% de plus que le Bloc Québécois. De plus, et cela a son importance, Jack Layton est celui de tous les chefs qui est préféré comme premier ministre du Canada.
Je voterai pour le NDP car le temps est venu de « brasser la baraque » pour obtenir des politiques réalistes. La position politique du PM Harper est à droite de la droite où on retrouve dans la pénombre GWBush et les Teapartyers. Cela n’est pas dans l’intérêt canadien et ce n’est pas le genre de pays dont je rêve.
Le parti libéral semble incapable actuellement de redevenir le parti des grandes politiques auxquelles il nous a habitués dans le passé. Il s’autodétruit encore. Il lui faudra purger plus de temps dans l’opposition avant que les Canadiens et Canadiennes reprennent confiance en lui.
Duceppe vient d’affirmer à nouveau que « le Bloc se tient debout » mais en ajoutant cette fois « contre les partis Canadiens ». Debout oui, mais avec des paroles en l’air ? Le seul commentaire devant une telle fanfaronnade est un extrait des fables de La Fontaine : « À chacun son métier et les vaches seront bien gardées ! ».
Alors que Duceppe et ses amis accusent le NDP de s’opposer à tout ce que le Québec veut, la réalité est tout autre. En effet, le programme du parti indique que Jack Layton et le NDP :
. Sont favorables au fédéralisme asymétrique en raison du caractère « national » du Québec.
. Sont en accord avec un « droit de retrait avec compensation » de tout programme fédéral qui intervient dans les domaines de juridiction provinciale (tels, santé et éducation).
. Promettent de reconnaître la « décision majoritaire des québécois (50% + 1) » s’il y a un autre référendum.
. Acceptent, pour le Québec, l’ « abolition du pouvoir fédéral de dépenser » dans les champs de ses compétences; Jack Layton et une majorité de ses députés « s’opposent à l’abolition du registre des armes à feu ».
. Sont favorables à un usage plus grand de la langue française au pays et à l’obligation de « bilinguisme pour les juges de la Cour suprême ».
. Veulent « franciser les communications entre les entreprises fédérales du Québec » et Jack Layton s’est dit favorable à y appliquer les principes de la loi 101 du Québec.
. « Refusent de réduire le poids démocratique du Québec » malgré la démographie qui lui est défavorable.
. « Refusent une commission nationale des valeurs immobilières » au pays, qui au détriment de celle du Québec.
. Veulent établir les « conditions gagnantes » pour que le Québec trouve la place qui lui revient dans le pays; et encore…
Cette élection peut donner un gouvernement conservateur, majoritaire ou minoritaire, et une opposition officielle forte dirigée par Jack Layton et ses néo-démocrates. Si cela se réalise, j’en serais heureux car d’un gouvernement conservateur et d’une opposition authentiquement sociale-démocrate et nationale ne peuvent surgir que des débats forts intéressants et importants qui sauront intéresser les Canadiens d’un océan à l’autre à l’autre et les faire participer à nouveau à l’orientation politique du pays. C’est dans le compromis entre les positions de ces deux extrêmes que se trouve le meilleur intérêt des Canadiens et des Québécois en particulier.
Claude Dupras