LITTÉRATURE ÉGYPTIENNE (35) - ENSEIGNEMENT DE PTAHHOTEP : MAXIMES 2 - 3 et 4 ...

Publié le 30 avril 2011 par Rl1948

   Avant le congé de Printemps belge pendant lequel, les 16, 19 et 23 avril, je vous ai conviés à suivre le philosophe français Michel Onfray lors d'un séjour qu'il fit à la fin du siècle dernier sur les bords du Nil, nous avions vous et moi amis lecteurs, découvert un groupe de trois maximes de l'Enseignement de Ptahhotep qui, les seules de ce type dans cette oeuvre sapientiale, présentaient la particularité de former un ensemble continu dans lequel intervenait un polémiste, un rhéteur comme le nomme dans son ouvrage de 2010 l'égyptologue français Pascal Vernus, présenté comme ayant des niveaux de compétence différents.

     Quand, le 5 février dernier, dans l'un des quatre articles destinés à introduire mes interventions du samedi consacrées à ce corpus d'apophtegmes, je vous signalai - hasards du calendrier - qu'allaient se tenir de mars à juin deux manifestations mettant Emile Prisse d'Avennes à l'honneur, l'une au Louvre, l'autre à la Bibliothèque nationale de France, j'étais loin de m'imaginer que j'aurais l'opportunité de recevoir le catalogue édité par la BnF avant de me rendre à Paris.

     Très intéressant cadeau que ce petit ouvrage de 160 pages - j'aurai très probablement l'occasion de l'évoquer ici après avoir visité les expositions -, dans la mesure où Bernard Mathieu, égyptologue et philologue français, propose, fruit de son enseignement à l'Université Paul-Valéry de Montpellier, la toute dernière traduction qu'il a faite des Maximes

     En juillet 2008, à propos d'un extrait de poésie amoureuse, j'avais mentionné en fin d'article les difficultés ressortissant immanquablement à la traduction d'une oeuvre antique. Et, pour corroborer mes allégations, je vous avais proposé trois versions différentes d'un même texte.

     J'ai pensé qu'aujourd'hui, avant de reprendre la suite de notre découverte de l'Enseignement de Ptahhotep, il serait intéressant de réitérer l'expérience aux fins de vous inviter à  vous exprimer sur l'une ou l'autre des deux plus récentes approches publiées.

   Pratiquement, vous retrouverez en premier lieu, pour chacune des trois maximes qui nous occupent, la version que vous connaissez maintenant et qui est celle que le Professeur Vernus publia en 2001 et, juste en dessous de chacune d'elles, surlignée en jaune, celle que Bernard Mathieu nous offre dans le catalogue de la double exposition parisienne auquel j'ai ci-avant fait allusion. 

   Je pense n'avoir pas trop de ces quelques calames de la palette de scribe (E 2241) exposée dans la vitrine 2 de la salle 6 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre pour vous les recopier toutes les six ...


Maxime 2

Si tu as affaire à un polémiste au moment où il sévit,

Qui a bonne maîtrise de ses facultés et qui soit meilleur que toi,

Plie les bras, courbe ton dos.

Ne te mobilise pas contre lui, il ne parviendra pas à se mettre à ton niveau.

Tu réduiras celui qui parle mal

En ne t'opposant pas à lui au moment où il sévit,

Si bien qu'on le qualifiera de "c'est un ignorant"

Lorsque ta maîtrise intérieure neutralisera ses ressources.

Si tu rencontres un orateur à l'oeuvre,

qui a plus de maîtrise et de qualité que toi,

incline-toi, courbe l'échine,

ne le défie pas : il lui sera impossible de se confronter à toi.

Tu rabaisseras celui qui parle à tort

en ne l'affrontant pas quand il est à l'oeuvre ; 

il passera pour un complet ignorant

quand ta retenue aura été confrontée à sa faconde.

Maxime 3

Si tu as affaire à un polémiste au moment où il sévit,

Ton égal, qui soit de ton rang,

C'est en gardant le silence aussi longtemps qu'il parle mal

Que tu feras prévaloir ta compétence sur lui.

Importante sera la désapprobation marquée par l'auditoire,

Alors que ton renom s'en trouvera bien, étant quelqu'un que les magistrats ont appris à connaître.

Si tu rencontres un orateur à l'oeuvre,

qui est ton égal, à ta main,

tu dois faire prévaloir ta qualité sur la sienne par le silence,

quand il se livre à de mauvais propos.

Grand sera le désaveu de la part de l'auditoire,

et ton renom irréprochable à la connaissance des grands. 

Maxime 4

Si tu as affaire à un polémiste au moment où il sévit,

qui se trouve être un médiocre, et non ton égal,

Ne nourris pas d'intention agressive à son encontre dans la mesure où il est faible.

Abandonne-le à son sort afin qu'il se punisse lui-même.

Ne l'interpelle pas pour soulager ton coeur.

Ne fais pas le jeu de celui qui est face à toi.

Celui que ruine la médiocrité d'esprit est quelqu'un d'incommode.

On fera ce qui est conforme à ta volonté.

A toi de lui porter un coup par la punition que lui infligeront les magistrats.

Si tu rencontres un orateur à l'oeuvre,

d'un talent inférieur, et non ton égal,

ne te montre pas arrogant envers lui sous le prétexte de sa faiblesse,

abandonne-le et il se punira lui-même.

Ne lui réponds pas pour soulager ta conscience,

ne comble pas les voeux de celui qui te fait face,

- il est déplacé de démolir l'inférieur -

et l'on agira selon tes voeux.

Tu le frapperas par la punition que lui infligeront les grands.

(Mathieu : 2011, 68-9 ; Vernus : 2001, 76-7 ; ID. 2010 : 172)