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Béatification: quand Jean-Paul II abandonnait Mgr Romero

Par Alaindependant


  L'ancien archevêque de San Salvador, Mgr Oscar Arnulfo Romero, assassiné en 1980, a souffert du manque de soutien de Jean Paul II dont il s'est senti abandonné, a indiqué dans une interview à l'AFP un théologien italien, Giovanni Franzoni.
Le père Franzoni, ancien abbé de la basilique Saint-Paul-hors-les-murs, fait partie d'un groupe de théologiens entendus lors du procès en béatification de Jean Paul II, qui avait exposé des arguments contraires à celle-ci.
"Je vivais alors à Managua au Nicaragua (...). Une religieuse me confia qu'elle avait rencontré à Madrid Oscar Romero qui revenait en 1979 d'une visite au Vatican. Il semblait détruit, affligé après l'audience que lui avait accordé le pape", a-t-il dit.
L'archevêque de San Salvador avait confié qu'il ne s'était jamais senti aussi seul qu'après cette rencontre. Il avait toujours été un modéré, mais il était indigné par le fait que les paysans autorisés à prendre possession de terres par la réforme agraire doivent affronter des gens en armes. Il avait mis à leur disposition la radio du diocèse où furent dénoncées des atrocités et violations des droits de l'homme, le meurtre de syndicalistes. Il apporta toute cette documentation au Vatican.
Le pape se montra froid, il prit la documentation et la mit de côté en faisant ce commentaire: "j'ai dit mille fois que l'on ne m'apporte pas autant de documents que je ne pourrai lire". Il a exhorté Mgr Romero: "essayez de vous mettre d'accord avec le gouvernement". Cela le laissa consterné, il se sentit détruit, a rapporté le prêtre italien.
Les escadrons de la mort ne pouvaient tuer un évêque qui avait l'affection du pape. Ils pouvaient par contre le tuer s'il était isolé, abandonné, a affirmé le père Franzoni.
Mercredi, des théologiens contestataires avaient déploré que le procès de béatification de l'archevêque de San Salvador, ouvert en 1996, soit, selon eux, bloqué par le Vatican. Ils ont lancé un appel signé notamment par l'évêque français Jacques Gaillot et le théologien suisse Hans Küng.
Mgr Romero, très populaire en Amérique Latine et surnommé la voix des sans voix pour son dévouement envers les plus démunis, avait été tué le 24 mars 1980 par un commando d'extrême droite, au début de la guerre civile au Salvador.
Mgr Romero était un évêque modéré, pas particulièrement proche de la théologie de la Libération mais son assassinat en a fait une icône dans les milieux progressistes et le Vatican craint une instrumentalisation et une récupération par ces milieux.
Jean Paul II s'était rendu sur sa tombe en 1996 et lui avait rendu hommage.
L'ancien pape avait toujours désapprouvé la théologie de la Libération, une dérive dangereuse, selon lui, du christianisme vers la lutte des classes prônée par le marxisme qu'il avait détesté en Pologne.
Le cas de Mgr Romero est une des critiques récurrentes à l'encontre de la béatification de Karol Wojtyla, de la part des milieux progressistes qui reconnaissent toutefois le rôle du pape polonais pour la paix, les droits sociaux et la justice sociale dans le monde.
(©AFP / 28 avril 2011 13h59)


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