Rien ne semble atténuer l’appétit des investisseurs pour l'or. Soutenu par les troubles dans les pays arabes et les incertitudes sur la croissance mondiale, le prix de l'once a dépassé 1.500 dollars. Particulièrement optimiste, Alain Corbani, gérant du fonds Global Gold & Precious, estime que les cours peuvent atteindre de nouveaux records d'ici la fin de l'année. Pour en profiter, il mise sur des compagnies minières fortement décotées.
Capital.fr : L'or vole de record en record... ne doit-on pas craindre une bulle ?
Alain Corbani : Non, car nous n'assistons pas à une flambée irrationnelle. Certes, les cours évoluent à des niveaux proches de leur sommet historique, mais ils affichent une hausse de seulement 6% depuis le 1er janvier. Et, ils restent encore loin du pic des années 1980, si l'on prend en compte l'inflation. En l’incluant, le prix de l'once avait atteint à cette époque l'équivalent de 2.300 dollars.
Capital.fr : Vous pensez donc que la hausse va continuer ?
Alain Corbani : Les fondamentaux sont en tous cas particulièrement favorables. Contrairement aux idées reçues, le métal jaune n'est pas corrélé à l'inflation ou au dollar mais dépend plutôt des taux d'intérêts réels, c'est-à-dire corrigés des prix à la consommation. Lorsque ceux-ci sont bas, cela a toujours constitué historiquement un moteur de performance pour le métal jaune. Or, avec la crise de la dette, les Etats ont tout intérêt à ce qu'ils restent peu élevés, voire négatifs, car cela leur faciliterait la tâche pour ramener leurs finances à des niveaux acceptables. De plus, pour maintenir leur compétitivité, tous les pays cherchent actuellement à conserver une monnaie faible, afin de doper leur croissance grâce aux exportations. Voyant cela, de nombreux investisseurs sont donc tentés de délaisser ces devises, l'or leur offrant alors une parfaite alternative. A ces éléments s'ajoutent les troubles dans les pays arabes, qui entraînent une flambée du pétrole et font craindre pour la croissance mondiale. Dans ce contexte, l'or devrait poursuivre sa hausse, et pourrait approcher 1.900 dollars d'ici la fin de l'année.
Capital.fr : Pourquoi votre fonds perd-il alors plus de 3% depuis le début de l'année malgré la hausse du métal jaune ?
Alain Corbani : Nous sommes investis à 90% dans des compagnies minières basées au Canada, aux Etats-Unis et en Australie, qui sont cotées en dollars locaux. Toutes ces monnaies se sont fortement dépréciées face à l'euro depuis le début de l'année. Par exemple, le billet vert a perdu près de 6% face à la monnaie unique, ce qui a mécaniquement affecté la performance du fonds, ce dernier n’étant pas protégé contre les variations des devises. Il faut aussi souligner les performances décevantes des valeurs du secteur. Elles ont en effet pâti de l'augmentation des cours des matières premières, qui pèse sur leurs coûts, l'extraction étant une activité très gourmande en pétrole. Et ce segment de la cote subit aussi de plein fouet la concurrence des ETF sur l'or, ces produits indiciels répliquant directement les cours de l'once.
Capital.fr : N'est-il donc pas plus intéressant de cibler directement sur un ETF ?
Alain Corbani : Tout dépend du risque que vous êtes prêt à prendre. Les actions des minières sont plus volatiles que l’or, mais leur potentiel de gain est aussi plus élevé. Sur le long terme, des études ont démontré qu’une hausse de 10% des cours de l’once entraînait une progression de 17% des titres des valeurs minières. En outre, les investisseurs pourraient bien revenir rapidement sur ces valeurs car elles sont extrêmement bon marché. Elles se paient actuellement 22 à 25 fois les bénéfices 2011, contre 40 fois historiquement. Leur décote par rapport au prix du métal jaune est elle aussi très importante, ce qui milite pour un rattrapage.
Capital.fr : Cela reste toutefois un marché risqué...
Alain Corbani : C'est vrai, les actions des mines d'or affichent une volatilité proche de 30% en moyenne, contre 20% environ pour l'ensemble du marché actions. Mais nous cherchons à limiter ce risque, notamment en consacrant une partie du portefeuille à de l'or physique (5% environ actuellement) et en diversifiant le fonds sur toute la chaîne de production, de la recherche de nouveaux gisements à l'extraction de minerais.
Capital.fr : Quels acteurs privilégiez-vous ?
Alain Corbani : Nous concentrons 70% de nos investissements sur des entreprises productrices, à l'image de Barrick Gold ou Goldcorp, car ce sont les sociétés les plus solides. Elles sont souvent implantées depuis de nombreuses années et génèrent des bénéfices récurrents. Du côté des firmes spécialisées dans l'exploration, nous évitons celles à un stade peu avancé de leur développement, qui sont toujours à la recherche de nouveaux capitaux pour financer leur activité. Toujours par prudence, nous nous gardons de cibler les acteurs trop exposés à des régions où les risques géopolitiques sont élevés, comme l'Afrique ou la Russie.
Capital.fr : Investissez-vous uniquement dans des sociétés liées à l'or ?
Alain Corbani : Le fonds Global Gold & Precious est aussi exposé aux secteurs de l'argent et du palladium, qui en tant que métaux précieux peuvent au même titre constituer une protection. Comme ces matières premières sont aussi utilisées dans l'industrie, elles bénéficient en plus de la reprise économique. Pour autant, nous n'y consacrons que 10% du portefeuille, car les cours de ces produits sont plus volatils que ceux de l'or. D'autant que certains ont déjà vu leur prix s'envoler. L'argent, par exemple, a gagné 50% depuis le début de l'année et 150% en un an.
(Thomas Le Bars - Capital.fr - 27/04/11)