ANIMAL KINGDOM de David Michôd

Première œuvre d’un illustre inconnu, Animal Kingdom frappe fort. Très fort. Pas surprenant qu’il ait tout raflé sur son passage: récompenses (aux Oscars australiens, à Sundance où il repart avec le Grand Prix), applaudissements, esprits. Sorte de drame shakespearien au cœur d’un étouffant Melbourne, David Michôd suit Joshua (James Frecheville, en fureur contenue), un adolescent d’une apathie apparente, d’une rage sourde. Récupéré par une famille de criminels chassés par la police locale (belle prestation de Guy Pearce), suite à l’overdose de sa mère, il plonge dans un univers d’une noirceur totale, où le cinéaste ne laisse passer que très peu de lumière. Sauf peut-être celle, du cinéma. Impeccable, le film l’est en tous points: sauvage, courageux, clinique, crépusculaire. La violence s’y fait soudaine, d’abord suggérée pour mieux rejaillir brutalement, éclaboussant attentes et codes.
C’est simple: c’est un premier film et on se croirait chez Scorcese. Epoque Mean Streets. Ou chez James Gray, avec qui Michôd partage cette fascination pour le clan, les liens du sang, le polar familial sauce tragédie grecque (The Yards, Little Odessa). Le film est impressionnant, formellement et psychologiquement. En s’entourant d’acteurs génialissimes (les patibulaires Jacki Weaver et Ben Mendelsohn en tête), il crée un tableau opaque envoûtant, à la froideur ensorcelante, portrait de famille au vitriol anti manichéen et sans espoir. Pourtant resserré, efficace, net et sans bavure, Animal Kingdom est un film immense, colossal parce que solide, et d’une maîtrise époustouflante. Les choix visuels étonnent (les ralentis comme autant d’instants suspendus, en sursis, et qui rapprochent de la mort), l’intrigue est imprévisible (et ne suit que les détours anarchiques de la vie), l’ensemble est un choc, une claque. Venue de nulle part. Inattendue. Titanesque.