« Voulez-vous prendre cette femme pour épouse, vivre ensemble dans le respect de la loi divine et les liens sacrés du mariage ? Promettez-vous de l’aimer, de la chérir, de l’honorer et de lui être loyal, dans la santé et la maladie ? Et, renonçant à toute autre, de lui rester toujours fidèle, tout au long de votre vie ? »
Aux allures aujourd’hui tragiquement désuètes, ces paroles du ministre de Dieu en firent rêver plus d’un : elles permettaient le plus beau « oui » que l’on puisse murmurer de sa vie, ému aux larmes devant le Christ. Les temps changent et au XXIe siècle suisse, plus d’un mariage sur deux se termine au tribunal plutôt que dans la tombe. L’union sacrée fait maintenant moins fantasmer que l’Euromillions. Qui suis-je pour en juger ? Personne et là n’est pas mon intention.
Cependant, les noces du prince William font la une de tous les journaux. Qu’il soit question des quotidiens les plus sérieux ou du plus exécrable des magazines de boulevard, ils insistent unanimement sur l’importance de l’événement. On nous prédit deux milliards de téléspectateurs et le mariage du siècle.
La presse redécouvre naïvement l’adoration aveugle des Britanniques pour leur monarchie. On nous abreuve de sondages : « Les Anglais approuvent à plus de 70 % le règne d’Elisabeth II ». On nous assomme de fausses exclusivités : « La Chambre des Lords n’est pas élue par le peuple ». Qu’importe ! Après tout, si nos voisins d’outre-Manche souhaitent être « représentés » par des parvenus, libres à eux et il s’agit de leur bon droit.
Dans le fond, où trouver l’origine d’un tel raffut ? Peut-être voyons-nous à travers « Will et Kate » l’incarnation d’un idéal moderne. Ne sont-ils pas jeunes, riches, élégants, nés au sein de bonnes familles ? A nos yeux, ce couple presque divin ne trouvera jamais de rivaux valables parmi la populace, laquelle nous semble grossière, inculte, superficielle. Voilà donc ce qui nous fascine vraiment : l’inégalable savoir-vivre des aristocrates. Tant de raffinement, de rituels religieux sont envoûtants pour une société déchristianisée et individualiste.
Tout de même, si la première page des gazettes est cédée aux épousailles du petit-fils aîné d’une souveraine obsolète, admettons qu’il s’agit du reflet de notre monde matérialiste, toujours insatisfait et en quête de nouveaux frissons. Si l’on en croit les articles de certains journalistes, les noces de quelque prince revêtent désormais autant d’importance, si ce n’est davantage, que la lutte pour la démocratie ou une catastrophe nucléaire. Le XXIe siècle sera creux ou ne sera pas. Adieu Fukushima et Benghazi, bonjour Buckingham Palace.