Mon analyse de ces quelques derniers jours….

Publié le 29 avril 2011 par Moyves

Quasiment au même moment où notre ami Rémy se sacrifiait pour nous, une salariée de France Télécom tentait, d’après Ouest-France, de se suicider sur son lieu de travail a indiqué hier soir la Direction Régionale de l’entreprise, qui parle de «choc»
Quand je lis cet article de Ouest-France, j’en dégage plusieurs points clés et après avoir regardé l’émission hier Jeudi 28 Avril Grand Journal Canal Plus avec comme invités : M. Xavier Bertrand (Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé) et le Dr Roland Coutanceau , j’ai décidé d’écrire cet article.

En préambule, j’ai trouvé l’analyse de Jean-Michel Aphatie excellente : « On a pensé que le changement de direction pourrait stopper le mouvement , on n’en est pas sûr aujourd’hui… C’est effrayant d’imaginer que le travail conduit à ça… »

  • La Direction Régionale parle de Choc (Ouest France).
    • A chaque événement dramatique chacun réagit, on parle de drame, d’état de choc, de « mode » des suicides… Agit on vraiment en profondeur sur le mal ou ce qui génére le mal ? Il ne suffit pas de dire, de mettre en place et de lire des indicateurs… Nous sommes de hommes, et vous gérez des hommes, ce sont eux qui font vivre et qui donnent la valeur morale et matérielle à l’entreprise.
  • … « Elle pensait que son congé malade serait porté à six mois. Le refus lui a été notifié par écrit. Elle est revenue au travail avec ses appréhensions, en détresse (Ouest France)... »
    • Je connais très bien cette situation, qui est celle de tous ceux qui sont dans ce cas ou dans des cas similaires. J’ai été dans cette situation.
    • Il y a quelques jours j’ai été contacté par un cadre niveau 4.x (il n’y a pas que des agents touchés) affolée (je pèse mes mots) parce qu’elle devait passer un expertise pour passer ensuite devant la commission de réforme.
    • Pourquoi cette personne était elle si affolée? tout simplement parce qu’elle est en fin de CLM ou CLD et elle ne sait pas ce qui va lui arriver. Elle n’a jamais de réponse aux questions posées à son entreprise. Elle a tant souffert qu’elle n’a plus aucune confiance dans le système, en cette machine (à broyer) qui lui semble totalement déshumanisée. (voir entre autres témoignages, le témoignage d’Annie). J’espére que ce cadre si elle se reconnait témoignera.
  • La direction précise qu’elle était « prise en charge »(Ouest France).
    • La réduction du nombre de DRH dans les grandes entreprises, fait que vous avez un DRH de proximité à 200 km …
    • Pour ma part, j’ai la chance d’être entouré, mon épouse, mes enfants, mon psy (rencontres très régulières), mon médecin, mes 4 amis qui depuis le début de mes soucis sont là, et je n’arrive pas à remonter la pente. L’assistante sociale a mis un an pour me contacter suite à mon arrêt de maladie.
    • Une salarié me disait l’autre jour : ‘Mon mari en a marre de me voir ainsi, il ne le supporte plus, il va me lâcher’
    • Quelle est la réelle signification du mot « prise en charge »?
  • Il existe un discours en haut. Malheureusement, sur le terrain, les gens n’ont pas forcément l’impression d’avoir plus de crédit ( Denis Allix sur Ouest France).
    • Depuis qu’il y a eu un changement de Direction, il existe un discours d’en haut. Je cite le Dr Roland Coutanceau (Jeudi soir Sur Canal Plus ) : Les êtres humains ont besoin de leur cadre, de relationnel. Relisez le témoignage d’Annie. Aujourd’hui sur le terrain, l’organisation du travail semble être « sur un rythme mathématique ». (Dr Coutanceau) …Est elle suffisamment accompagnée [NDLR il parlait ici de l'organisation des rythmes au travail] ? L’organisation moderne laisse t’elle assez la place à une dimension d’initiative. Fait on savoir à quelqu’un qu’il est important dans le système?
  • « Messieurs qu’on nomme grands » pourriez-vous dire nous et laisser un peu de place à la collectivité, aux personnes qui travaillent avec vous et pour vous ? « Quand j’étais à la tête de »…, « J’ai fait »…, « J’ai cré »é… Et pourquoi ne diriez-vous pas : Nous avons fait, Nous avons mis en place, L’équipe a réalisé, car Les êtres humains ont besoin de leur cadre, de relationnel (Dr Coutanceau)

Xavier Bertrand : Un syndicaliste, 2 jours avant ,était à côté d’un salarié qui allait se donner la mort ensuite et qui n’avait rien vu venir et c’est pour cela qu’il faut des indicateurs qu’on puisse déceler et qu’on voit bien que le véritable enjeu est qu’on se sente considéré et respecté dans l’entreprise, qu’on ne soit pas un matricule, pas un numéro

Je confirme, si demain vous me rencontrez , vous me trouverez normal, nous nous fabriquons pour certains d’entre nous une façade (quand on a réussi à évacuer la honte d’être malade qui est en nous) Qu’ont ils fait de moi, de nous? Nos réactions sont imprévisibles: nous passons du sourire au larmes, de la compréhension à la colère voire la haine. Voilà notre vie…

Ca y est le coupable est trouvé : La manager de proximité…

R Coutanceau : C’est l’accompagnement du cadre de périphérie, c’est ça qui est difficile, amener ce cadre à être plus créatif dans sa manière de gérer les hommes. C’est facile de gérer les hommes par l’autorité par la raideur par le rendement, c’est plus compliqué , comme dans le foot d’être créatif et d’amener les gens un petit peu comme dans une ambaince sereine et qualitative au travail. Ca ça prend du temps

Le voilà le coupable : le cadre de proximité. Ne vous trompez pas de cible, le cadre de proximité (le responsable d’équipe) ne fait qu’appliquer ce qu’on lui demande, avec des variantes personnelles biens sûr.
La créativité,: y a t’il une place pour la créativité où tout est géré par des scripts , par des processus. Surtout ne déviez pas du droit chemin, de la bonne parole.

Quand une entreprise comme France Télécom décide de supprimer 22000 emplois, les méthodes ne sont pas imaginées par le cadre de périphérie. Avant ce plan Next, j’étais manageur de 22 personnes, et avec mon DRH Claude H. nous avions mis en place avec tous les managers une charte du management qui était appliquée et appréciée de tous, puis vint Next et la suite vous la connaissez…

Aujourd’hui, il y a toujours la pression des actionnaires qui imposent la rentabilité, le rendement et le profit. Il y a toujours des réorganisations ( France Télécom et Deutsche Telekom veulent mutualiser leurs achats (1)que vont devenir ce qu’il reste de nos acheteurs (2)…). Sur les plateaux d’appels il y a toujours la vigie, les challenges, les scripts obligatoires, le baromètre etc.


1)Les échos : Ces économies potentielles devraient être de moins de 900 millions d’euros par année chez l’opérateur historique français, tandis que son partenaire allemand pourrait en tirer plus de 400 millions à partir du quatrième trimestre de 2014, ont précisé les deux groupes dans un communiqué commun..

L’action France Télécom a clôturé vendredi à la Bourse de Paris à 15,645 euros, en hausse de 0,16%, tandis qu’à Francfort, Deutsche Telekom a progressé de 1,62% à 11,26 euros.

2)Je pense particulièrement à Anne (service achats) elle aussi en grande difficulté.


Pour terminer n’oublions jamais le sacrifice de Rémy et n’oublions jamais tous ceux et toutes celles qui nous ont quitté ou qui sont dans la souffrance.

Tous les agents de France Télécom ont été très perturbés ces derniers jours, en regardant les chiffres de ces 4 derniers jours , vous devriez voir à quel point nous sommes tous touchés.