27 Avril 2011 Par Michel Boujut
Personne aujourd'hui ne remet plus en cause le torrentiel Henry Miller, jadis dénoncé comme «l'odieux corrupteur de la jeunesse» ou «le pornographe infâme». On ne parle plus trop de lui, à vrai dire, comme s'il était rentré dans le rang, reconnu désormais d'utilité publique et monument patrimonial de la culture anglo-saxonne.
Henry la colère a pourtant soulevé d'enthousiasme des générations successives de lecteurs, tels le critique et éditeur Maurice Nadeau subjugué, au lendemain de la guerre, par les premières lignes de son «Tropique du Cancer»: «J'habite Villa Borghèse. Il n'y a pas une miette de saleté nulle part, ni une chaise déplacée. Nous y sommes tout seul, et nous sommes morts.» De livre en livre, disait Nadeau, «Miller est le propre héros de ses récits, mais ses récits ne relèvent pas de la simple autobiographie. Son œuvre est une création à la fois poétique et romanesque.» Ce qu'il a vécu, ressenti, il le transforme, en effet, le dramatise et le magnifie. Si le monde est un enfer ou un «cauchemar climatisé», il fait confiance pour le changer à sa propre force vitale, à ses pulsions, à ses désirs et à ses indignations. «Toujours vif et joyeux», telle est sa devise.
Simenon qui fut son ami le tenait «pour une sorte de saint laïque». D'autres pour un sage au visage de bonze tibétain, ou pour le fossoyeur du puritanisme. Après avoir exercé dans ses jeunes années tous les métiers imaginables, il ne s'était voué que relativement tard à la littérature. «Je fis vœu, dira-t-il, de ne plus jamais travailler pour personne. Je serai écrivain ou je crèverai de faim!» Il tiendra parole. Revenu aux Etats-Unis après ses années parisiennes d'avant-guerre, il y poursuivra son œuvre hérétique et insoumise - «une apocalypse en plusieurs volumes» qui rompt les digues de tous les conformismes avec une fureur superbe.
Lire la suite : http://blogs.mediapart.fr/blog/michel-boujut/270411/henry-miller-revisite