Nicolas de Rouyn est un pote : il n'a rien dit quand je lui ai subtilisé avec une délicatesse rare son exemplaire personnel de la dernière BD des sieurs Simmat & Bercovici ©, traitant, avec une justesse rapicotante et un humour quasi ravageur les arrivées successives en terres bordelaises, de quelques moguls du CAC 40 : Messieurs Pinault (Château Latour), Arnault (Châteaux Cheval-Blanc & Yquem), Bouygues (Château Montrose).
Le dessin est vif, généreux, souvent très précis et les textes d'un humour toujours teinté d'une réelle affection gentillette pour ces rois de la finance arrivant en terres bordelaises… fondamentalement (selon les auteurs) pour pérenniser le nom face aux ardeurs éventuelles des rejetons qui pourraient perdre quelque part le sens familial et leur donner ainsi, avec une propriété bordelaise, une ancre d'une solidité historique.
Les fins connaisseurs de la région admireront avec quel tact et élégance, les rôles de "sages" sont tenus par des membres des branches Rothschild, des tireurs de ficelle comme il n'y en a plus. Pourquoi manque t'il le roi de la rive droite qui n'est évoqué que brièvement dans son assistance discrète à Monsieur Bouygues ? Va savoir, Charles !
Cela commence par l'achat de Latour, un coup de génie - il faut le dire - de Monsieur François Pinault.
On notera les fameuses "flèches", logo de la famille, tellement utiles comme outil de reconnaissance en Chine où l'apprentissage du français n'a pas une forte priorité.
On continue avec joyeuseté par l'arrivée de Monsieur Arnault avec son alter ego belge, tonton Albert Frère, immédiatement séduit par Pierre Lurton, probablement le bordelais ayant le sens le plus aigu de la litote, résumant tout le potentiel de Bordeaux en trois gestes et deux phrases. Une sommité dans le genre, qui frise le respect absolu :-)
Comme on le lit, les auteurs n'oublient jamais leur rôle didactique
Accesoirement, on y apprend que les amitiés étroites entre Pinault et Chirac sont à la source de la légion d'honneur remise à Robert Parker, mais seules les méchantes langues y verront une des sources des notes remarquables octroyées à la propriété des Pinault. Merci de ne jamais oublier qu'il s'agit d'un premier, et que ceux là n'ont absolument plus besoin du gourou pour sustenter leur réputation : ils sont devenus des marques.
J'aime ce souci des auteurs d'expliquer à un rythme tranquille, comment on fonctionne à Bordeaux
Là, les auteurs ont bénéficié d'informations du style "tu m'en diras tant !"
Itou ici, où le sage Martin (le meilleur trait de plume du dessinateur) refile l'achat des hectares de Phélan-Ségur à la petite soeur trop oubliée dans certains montages…
Michel Rolland* n'est pas oublié : on appréciera son costume local et son module D4 habituel
… où comment Monsieur Bouygues découvre l'architecture à la mode…
… disons que ce résultat imaginaire (?) fait preuve d'un déviationisme certain !
Si on peut tirer quelque leçon de ces arrivées en terres bordelaises de quelques grands noms de la finance. A chaque arrivée, les familles bordelaises qui avaient largement les moyens de surenchérir et surtout qui connaissent le "business", se sont fait damer le pion par ces génies financiers. Et comme l'argent appelle l'argent, le succè est largement au rendez-vous.
Dernièrement, un "petit" actionnaire de Cheval-Blanc m'avouait délicatement, avec une gourmandise discrète dans le ton, que la simple valeur des vins en cave était supérieure au prix d'achat du domaine. Vous connaissez tous le coût d'une bouteille d'un premier, (sans oublier la nourriture du chien de la concierge) : autour de € 30 (mais pourquoi suis-je si généreux ? Monsieur Gautreau va s'étrangler !). Chacun peut facilement trouver les valeurs actuelles des derniers millésimes et donc calculer les différences, que dis-je, les gouffres !. Si on ne peut plus parler de culbutes géantes, où va t'on ? … dans les parfums, peut-être !
En fin d'ouvrage, les auteurs donnent quelques clés de lecture où même les plus fins connaisseurs vont sans doute apprendre que le "bouteiller" installé à Yquem n'est pas ouvert aux visites.
Mais bon, on ne va pas tout vous raconter car, c'est décidé, vous allez acquérir cette BD si le monde bordelais fait partie de vos intérêts épisodiques ou réguliers. Elle sera en librairie le 12 mai. Gageons que le succès sera au rendez-vous. A € 12, c'est quasi donné !
* : Michel Rolland
Suite aux deux pages (124/125) du Fig Mg du 22 avril, qu'il me soit permis de revenir sur cet homme à la fois singulier et ordinaire. Ordinaire dans ce sens qu'il est plein de bon sens paysan, caractérisé par une humilité réelle devant les choses, les événements, les hommes. Ordinaire en ce sens qu'en matière de vin, il n'oublie jamais que le but final est d'apporter du plaisir au consommateur et non un ego supplémentaire au vigneron.
Singulier, il l'est tout autant. Avant tout, observateur des vignobles et des chais, toujours "éponge" de ce qu'il apprend partout et réinjecte avec intelligence en tenant compte des spécificités locales ici ou là, sans que jamais il n'y ait d'autre signature que ce souci de satisfaire le consommateur, donc l'acheteur, donc le client du domaine sans jamais perdre de vue que le contexte local doit être compris et retenu.
Mais, sopra tutto, l'homme est un véritable amoureux de la vie, avec ce besoin permanent de voir avant tout le bon côté des choses, de relativiser au maximum les détestabilités de la vie, et d'accepter… trop facilement ?… les jalousies habituelles des médiocres, un état des lieux finalement assez courant en France, et particulièrement en bordelais.
Avec Dany Rolland qui a participé (et c'est peu dire) à son envergure internationale, notamment en Argentine où ce fut loin d'être facile, voilà un couple qui a permis à bien des propriétés de la gironde de sortir des ornières et d'être de belles machines à sous. Aïe : là encore, c'est manifestement une raison de lui en vouloir un peu plus ! Il est parfois dur d'être français !
Never explain, never complain : probablement une de ses devises :-)
AUCUN RAPPORT
J'ai promis hier à Paris à AG de lui montrer la photo de la rolls des machines à jambons.
Promesse tenue :-)
Un sommet de l'outillage gastronomique