Dans la série opinion, la collection Le savoir suisse, éditée par les Presses polytechniques et universitaires romandes ici, publie Défendre la démocratie directe, écrit par Antoine Chollet.
Qui est Antoine Chollet ? Il est présenté en ces termes sur le site du Savoir suisse ici:
"Docteur en science politique de l’Institut d’études politiques de Paris, avec une thèse portant sur les rapports entre temps et démocratie soutenue en 2009, Antoine Chollet est
actuellement chercheur au Centre d’histoire des idées politiques et des institutions de l’Université de Lausanne. Il travaille sur la théorie de la démocratie, sur les rapports de cette dernière
au passé et au futur, ainsi que sur l’histoire du nationalisme suisse."
Avant de défendre la démocratie directe, l'auteur prend la défense de la démocratie tout court dont il vante les vertus qui reposent sur les valeurs d'égalité, de liberté, d'autonomie
et d'émancipation.
La valeur d'égalité est la première de ces valeurs non seulement dans l'ordre de présentation, mais aussi aux yeux de l'auteur, qui ne cache pas qu'elle a sa préférence :
"Là où des inégalités surgissent - les différences d'aptitudes, de richesses, de naissance, d'éducation, etc. - l'on s'efforcera donc de les corriger, de les amoindrir, de les annuler dans le meilleur des cas."
La liberté vient ensuite :
"Le sens le plus profond de la liberté politique, en fin de compte, c'est celui de pouvoir participer, avec les mille nuances et les innombrables formes que ce "pouvoir participer" peut prendre selon les circonstances, les contextes, et, aussi, les envies et l'enthousiasme de chacun."
L'autonomie est à la fois collective et individuelle :
"Sans autonomie instituée pour tous, de mille manières différentes, il ne peut y avoir d'autonomie individuelle."
L'émancipation ?
"C'est le fait de se charger soi-même de ses affaires et d'être responsable de soi."
Pour l'auteur la démocratie ne peut être que "directe":
"Tous ses citoyens doivent pouvoir participer effectivement au pouvoir, en son sens le plus général, non parce qu'ils sont populaires ou ambitieux, qu'ils ont été élus à une charge ou à une autre, mais tout simplement parce qu'ils sont des citoyens."
La démocratie directe helvétique - l'auteur en rappelle l'histoire, somme toute récente dans sa forme actuelle - ne s'est pas faite en un jour et continue de se faire :
"Toute démocratie n'est ni un régime achevé, ni une utopie refermée sur elle-même, mais un projet."
Quel but poursuit l'auteur ?
"Mon souci ici est, pour faire court, de défendre le parti populaire contre les élites, de défendre le principe démocratique contre le principe élitiste."
Dans cet esprit il fait l'éloge en fin de volume de "l'homme ordinaire".
Quels sont les reproches adressés à la démocratie directe ? Ils relèvent de "quatre régimes argumentatifs" :
- l'élite est éclairée, le peuple ignorant (il faut donc lui donner la parole le moins possible)
- il existe des règles fixées définitivement et intouchables (il y a des sujets tabous)
- l'Etat est nécessaire et doit disposer d'un appareil administratif cohérent, efficace et souverain
- la pratique démocratique est dangereuse pour l'ordre
Dans ces reproches l'auteur voit au contraire les traits positifs de la démocratie directe :
"Elle est égalitaire et populaire (contre l'aristocratie), anarchique et autofondée (contre le droit naturel), antibureaucratique (contre l'Etat) et désordonnée."
Car, pour l'auteur, "une démocratie visera ultimement" la disparition des élites dans tous les domaines, "politique, économique, médiatique, militaire, scientifique, culturel ou autre".
"Une démocratie doit au lieu de chercher à les écarter ou à les délégitimer, [...] prendre en charge [les questions politiques nouvelles], en débattre et décider à leur propos lorsqu'elle le souhaite."
"Les manifestations démocratiques débordent l'Etat de toute part, et il faut tout mettre en oeuvre pour empêcher celui-ci d'arraisonner totalement ce débordement."
"Machiavel salue explicitement les désordres comme les meilleurs garants de la liberté d'une cité."
Comme on le voit la conception de la démocratie d'Antoine Chollet n'est pas conformiste. Il aggrave son cas quand il dit :
"Dans une démocratie le peuple n'a ni tort, ni raison, mais il décide. La formule correcte est donc la suivante : les décisions populaires sont toujours légitimes."
Une question se pose : combien de lecteurs d'Antoine Chollet rempliront-ils tous ces critères à la fois et pourront-ils se déclarer démocrates, mesurés à cette aune-là ?
Francis Richard
L'internaute peut écouter ici sur le site de Radio Silence mon émission sur le même thème.